Chapitre 1 - La course
Le printemps arriva. La
neige commençait à fondre, la vie reprenait
son cours. L’hibernation venait d’achever,
et chacun des habitants de la forêt
retrouvait ses tâches printanières. Sous une
douce fraîcheur matinale d’une belle
journée, un petit écureuil roux était le
premier à se lever. À peine les yeux
ouverts, il grimpa au sommet du sapin qu’il
habitait.
Ses parents l’avaient
baptisé Roux blanc parce qu’il était le seul
écureuil né avec des pattes blanches sur
tout le territoire nord-canadien.
Assis sur une branche, il
observait la montagne qui se dressait devant
lui avec ambition. Une étrange sensation
illumine son regard, le faisait transporter
dans un autre monde où il était un
aventurier prêt à escalader la grande paroi
rocheuse. Hélas, ce n’était qu’un rêve, il
ne pouvait pas s’éloigner des arbres car le
danger et la peur de l’inconnu faisaient
dissiper ses espérances, d’autant plus qu’il
avait beaucoup de choses à faire; accumuler
des provisions, jouer avec ses amis qu’il
n’avait pas vus depuis quelques mois.
Une odeur parvenait à son
museau, détecta une présence qui
s’approchait de lui. Il descendit vivement
lorsqu’il aperçut son ami le lièvre qui
arrivait à toute vitesse.
— Es-tu prêt pour une
nouvelle course ? Demanda le lièvre en
s’arrêtant brusquement.
— Veux-tu vraiment affronter
le plus grand, le plus majestueux, le plus
fort de tous les écureuils, le seigneur de
la forêt ? Répondit Roux blanc en s’agitant
dans tous les sens.
— Nous allons voir qui est
le plus rapide de tous les rongeurs,
répondit le lièvre.
L’un à coté de l’autre, les
deux athlètes était près à se lancer
lorsqu’un bruit venant des buissons détourna
leur attention. D’un pas lourd, la marmotte
apparaît et une expression de joie comble
son regard. Elle se bascula devant eux.
— Je suis très contente de
vous revoir les gars, dit-elle d’un large
sourire.
— Nous allons courir, tu
peux te joindre à nous, annonça Roux blanc.
— Désolé les gars, J’ai
autre chose à faire que de me fatiguer. Je
donnerai le signal de départ, répond-t-elle
d’une voix neutre.
Elle traça une ligne à
l’aide d’un bâton, quand elle leur
annonçait :
— Que la course commence !
Laissant de la poussière
dans l’air, les deux concurrents se
lancèrent à une grande vitesse. A travers le
sentier, jusqu’au lac, en passant par les
chutes d’eau, finissant au pied du vieux
pin. Le plus beau paysage de cette terre.
— Battras-tu le seigneur de
la forêt ? Demanda Roux blanc en devançant
le lièvre de quelques mètres.
— Nous saurons qui rira le
dernier, répondit le lièvre avec
enthousiasme.
Respirant l’air pur, les
battements du cœur s’accélérèrent. La tête
haute, Roux blanc regardait les nuages qui
défilaient sur la montagne d’une blancheur
plus étincelante que celle de la neige
qu’elle la recouvrait, faisait vibrer la vie
en lui, il s’arrêta brusquement. L’admira un
instant avant de reprendre sa course. Il
passa à travers les arbrisseaux et sans
faire attention où il mettait les pattes,
tomba dans un ravin. Le lièvre avait fini
par le rattraper.
— Je te l’avais dit, et un
sourire aigu s’afficha sur le visage du
lièvre.
Arrivé au lac, le lièvre
content regarda attentivement derrière lui,
ayant la conviction que son ami était plus
loin derrière lui, il décida de faire une
petite sieste. Il s’étendit sur les roches
sous le soleil au bord de l’eau. Le sommeil
l’envoûtait, ses paupières se refermaient
lentement.
Roux blanc était mécontent
d’avoir été devancé. Arrivé aux roches, il
aperçut le lièvre endormi, s’approcha de lui
silencieusement, et lui fit un déguisement
de feuilles, de plantes et d’arbres. En
rigolant, il traversa le lac à la nage au
lieu de le contourner.
Le vieux castor glissa hors
de sa hutte, accueilli d’un air frais d’une
belle matinée, la verdure qui l’entourait
réveilla en lui le jeune qu’il était
autrefois. Il rebroussa chemin et réveilla
tous les membres de la famille qui étaient
encore endormis.
— Réveillez-vous, c’est
l’heure, il faut se mettre au travail,
annonçait-il à grande voix.
— Dis-moi, c’est le
printemps ? Hein ? C’est le printemps ?
Répéta petit castor.
— Oui, c’est le printemps,
répondit son frère d’un ton sec.
— Reculez-vous, laissez-moi
passer, dit-il en les bousculant.
Petit castor glissa dans le
tunnel, précipitamment il remontait à la
surface. À peine sorti, il courait au bord
de la rivière avant de se projeter dans
l’eau, d’un coup, il retrouvait sa forme. Il
adorait le printemps plus que les autres
saisons de l’année. Un sourire naquit sur le
visage du vieux castor. Voir le petit
heureux était pour lui un grand bonheur.
— Voici quelqu’un qui est en
bonne santé, murmura le vieux castor.
Regroupés sur le barrage
d’eau, le vieux castor constata les travaux
à effectuer et la nourriture à se procurer,
alignés chacun à côté de l’autre, ils
écoutaient attentivement ce qu’il leur
annonçait :
— Comme chaque année, nous
avons des travaux de construction;
régulariser les niveaux des cours d’eau,
transporter des branches, des troncs…, de la
nourriture à accumuler, chacun de vous
connaît ses tâches, alors je ne peux que
vous dire :
— Allez-y.
— Au travail les gars, cria
petit castor.
Le reste de neige glacée sur
une branche du grand chêne sous la tête du
lièvre avait fini par tomber sur son visage.
Il reprit brusquement connaissance.
Terrifié, il courait dans tous les sens.
— C’est froid, c’est très
froid, c’est quoi cette chose ? Oh, mon dieu
! Qu’est-ce que j’ai fait!
A l’espace d’un instant, il
réalise ce qu’il avait oublié. D’un air
crispé suite à la blague que son ami lui
avait faite, il reprit la course
— Nous allons voir qui est
le plus rapide, grogna-t-il.
Arrivé aux chutes d’eau,
Roux blanc plongea dans l’eau sans se
soucier du courant qui l’emportait. Les yeux
rivés sur le ciel, il était comme une
feuille poussée par le vent sur la surface
de l’eau. Étendu, il atterrit au barrage des
castors.
— Eh, Roux blanc, comment
vas-tu mon pote ? dit le petit castor qui
traînait une branche d’arbre.
— comme chaque printemps,
toi aussi tu es matinal, répondit Roux
blanc.
— Où vas-tu ? Demanda petit
castor.
— J’ai une course à finir,
n’oublie pas, on se retrouve au trois
roches.
Dans le sentier, un geai
déterrait des provisions sous les feuilles
lorsque Roux blanc fit son apparition devant
lui. Son visage devint tout rouge. Nerveux,
il cria à haute voix, en tambourinant avec
ses pattes et un balancement de queue
saccadé.
— C’est toi qui voles mes
provisions ? demanda t-il furieusement.
— Je ne savais pas qu’elles
t’appartenaient. Ne t’énerve pas, répondit
le geai en reculant en arrière.
— Tu as osé voler mes noix,
tu vas goûter à ma colère espèce de
misérable petite chose, cria Roux blanc en
se jetant sur lui.
— Calme-toi, je ne savais
pas qu’ils étaient à toi, dit le geai d’une
voix troublée.
Roux blanc le frappa d’une
boule de neige qu’il avait ramassée
rapidement, avant d’achever son geste, le
geai fila en battant des ailes. Agité dans
tous les sens il grimpa au sommet de
l’arbre.
— Tu as intérêt à ne plus
roder dans le coin sinon…
Le lièvre avait fini par
arriver au vieux pin. Sa joie était exprimée
dans toute la forêt, lorsqu’il entendit une
voix qui venait derrière un tronc d’arbre,
résonner dans sa tête. Elle lui coupa
l’instant de joie qu’il venait de vivre.
— Tu crois que tu as gagné ?
dit Roux blanc d’un ton moqueur.
— Impossible! S’étonna le
lièvre.
— Tu as cru pouvoir battre
le seigneur de la forêt, reprit-il avec
fierté.
— Comment tu as fait ?
demanda le lièvre d’un air surpris.
— Tu ne penses tout de même
pas que je te le dirai, répondit-il.
— Tu ne m’avais pas devancé,
je le sais bien, confirma le lièvre.
— Je te le dirai le jour où
tu réussiras à me battre, ok.
D’un regard interrogateur le
lièvre dévisagea Roux blanc.
— Tu as triché, cria-t-il.
— Non, je suis plus rapide,
dit Roux blanc en se dressant devant lui.
— Non c’est moi le plus
rapide, reprit le lièvre en lui tenant face.
— OK, alors tu crois plus
rapide, nous allons le voir, une idée venait
de naître dans sa tête, afin de lui prouver
qu’il était le plus rapide de tous les
rongeurs.
— Relèves-tu le défi ?
Demanda Roux blanc.
Avec détermination, les deux
concurrents reprenaient leur course. Dans
les bois, ils passèrent au dessus du lynx
qui était allongé à coté d’un ruisseau. Ils
étaient à égalité lorsqu’ils arrivèrent aux
trois roches, ses roches qui formaient un
bouclier dressé contre les vents des
tempêtes hivernales. Où les animaux de la
forêt se réunissent, ce lieu sacré sous les
grandes feuilles du vieux chêne, ce lieu
qu’ils aimaient tant surtout lorsqu’il
restait de la neige qui prenait son temps
pour fondre.
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