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Prologue
Nous sommes en l’an de substrat (1)
six mille quarante. Au-dessus de nous, juste au centre de
l’Apex, le limbe chatoyant témoigne de la naissance de Corps
dans le substratum espace temps depuis plus de trois mille ans
déjà. Petite planète de dix mille kilomètres de diamètre
équatorial, Corps a été créée dans le but unique d’influencer le
cours de l’évolution d’un astre nouveau qui se trouve à
l’intérieur du continuum espace temps.
Par surcroît, tous les uns Sages de cette planète sont unanimes
:
«Cette nouvelle évolution aura lieu tout près de l’Apex, point
de la sphère céleste dans la constellation d’Hercule où semble
se diriger le substratum espace temps. Lorsque le ciel
s’ouvrira, seul l’enfant élu de l’Ordre du Grand Esprit pourra
reconnaître l’astre jumeau de Corps ainsi que son créateur.»
Jusqu’à ce jour, il n’y a encore jamais eu d’élu.
Attendant patiemment l’arrivée de l’enfant de l’Ordre, les uns
poursuivent donc leur routine de vies par la réincarnation et la
métempsycose. Dans une perpétuité curieuse et amoureuse de vie,
«ils poursuivent l’Origine Voie du grain de sable jusqu’à l’élu
( Les Paroles premières)».
Encouragés par une prometteuse et diversifiée culture des
écosystèmes à l’intérieur de Corps, les marais d’O, les uns ne
cessent de progresser en chacune de leurs vies. Grâce à cette
culture nouvelle, ils ont acquis un certain pouvoir sur la
destiné particulière à laquelle ils appartiennent. L’O, ce
plasma coloré dont se composent principalement les marais,
possède plusieurs vertus curatrices dont certaines sont encore
ignorées.
Fluide électroniquement neutre d’origine cosmique, l’O a été
transporté par les vents solaires dans la magnétosphère où il se
trouva confiné pendant des milliers d’années. Composé de
minuscules particules véhiculant la lumière, certains uns
avancent qu’il s’est mélangé à la poussière d’étoiles avant
d’atteindre la stratosphère. Aujourd’hui, on le retrouve aussi
dans la troposphère, particulièrement au-dessus des régions
maritimes et anciennement volcaniques. Bien que la composition
de l’air où il se trouve ne change pas, les traces colloïdales
de substances, encore non identifiables, ont cependant été
retrouvées dans des échantillons d’eau salée prélevés au-dessus
de la grande crête océanique de l’Océan A, au nord-ouest de la
Terre Habitée. Petite presqu’île de Corps située dans le golfe
du continent de la Terre Inexplorée - auquel elle est relié -
c’est à son extrémité sud que réside le peuple de l’Un, dans une
cité magnifique bâtit au cœur du Mont Éo.
Volcan éteint depuis plus de cinq cent ans, le Mont Éo permet
aux uns d’avoir un contrôle presque exclusif sur cette source
d’énergie unique que représente l’O. Transporté par les eaux
d’une nappe phréatique nourrit par la mer, sa quantité est non
négligeable et son exploitation demeure grandissante grâce aux
marais cultivés par les Sages.
Maîtres uniques d’un ordre particulier et artistes du Grand
Esprit par le mouvement qu’ils lui inspirent, les Sages veillent
au maintient du programme de subsistance équilibré des créatures
mortelles. Ils sont les responsables de la bonne répartition du
temps, et cela, pour chaque un de leur ordre.
Le temps attribué est calculé selon la Loi du Grand Esprit ou le
principe de l’apport évolutif dans Âme, le berceau originel de
sa grande sagesse.
Ainsi, il est écrit qu’à partir du plus jeune âge de l’existence
de l’un, jusqu’à la dernière minute de sa dernière mort, «le
temps dont il dispose pour une vie sera le résultat invariable
d’un ensemble de facteurs aléatoires pourtant liés à
l’expérience de son apprentissage passée…»
En effet, toujours selon la Loi du Grand Esprit, chacun de ces
facteurs, qu’il soit issu du hasard ou non, influence
l’évolution de l’Un car il est à la fois un objet d’expérience
et un phénomène de Chaos. Dans la vie de l’Un, l’ensemble des
objets d’expérience est nommée Voie et les uns représentent des
chapitres bien distincts sur la compréhension qu’ils ont du
monde de Corps à travers elle. Pour cela: «Voie est
apprentissage. Grâce à elle, les uns sont la poursuite du Grand
Esprit nourrit par Chaos… Chaos ne disparaît pas. Chaos est la
nourriture du Grand Esprit qui, contrairement à l’Un, ne connaît
pas la gourmandise.»
Ainsi, le rejet - ou l’ignorance - de l’expression d’un
quelconque objet d’expérience, spontanément perçu par la
conscience comme étant un changement inattendu de Voie, est
nommé facteur chaotique variable.
«L’ignorance ou le rejet de tout objet d’expérience retarde
l’évolution de l’esprit de l’Un et le condamne à Chaos.»
Afin de simplifier le calcul pour l’obtention de temps, chaque
un appartient donc à un ordre particulier attribué en
considération d’un certain « déficit de l’apprentissage reçu. »
Ce déficit est un élément neutre de Chaos dont les facteurs
variables se bousculent autour de ce qui engendre le mouvement
en lui : le facteur évolutif Ordre.
«Ordre est toujours invoqué et Chaos revendique toujours des
droits.»
Le phénomène premier de l’évolution de Voie - et de l’Un - est
donc lié aux déplacements des écarts entre les facteurs
chaotiques de son élément neutre. La totalité de l’espace libre
parcouru par l’ensemble de ces déplacements d’écarts est
proportionnelle à l’espace que récupère Ordre en Chaos.
Puisque Ordre exerce une présence permanente dans Chaos, son
assimilation grandissante laisse aussi supposer la disparition
de certains éléments neutres; les facteurs chaotiques nuisibles
à l’apprentissage sont centrifugés par lui et Chaos n’est qu’une
éternelle parois sans la moindre force d’attraction… Résultat:
l’agrandissement de la zone d’action d’Ordre suppose une liaison
avec une seconde sphère d’apprentissage aux limites de Chaos: un
changement d’Ordre. Malheureusement, comme il arrive parfois une
augmentation de la déficience de l’apprentissage autour d’un
Ordre nouveau, l’un doit être conditionné à poursuivre son
apprentissage en Voie, et ce, malgré l’espace toujours occupé
par Chaos. Voilà pourquoi, en chacune de ses vies, déjà il fera
partie du mouvement du Grand Esprit. Nommé par une voyelle, un
ordre représentera le chemin qu’il doit suivre avant d’être Sage
à son tour.
L’apprentissage personnel de chaque un est donc analysé sous
tous ses angles par les Sages, puis elle est chiffrée par
anneaux de temps. Si l’apprentissage a suffisamment servi l’auto-guérison
du corps et de l’esprit, à ce point tel que l’un évolue
seulement à travers sa mission d’être dans Âme par l’ordre
auquel il appartient, le temps accordé sera chiffré en centaine
d’années par anneau. Par contre, s’il y a involution dans
l’apprentissage, que le comportement de l’un n’est plus
représentatif de sa destiné, le temps de certaines anneaux sera
réduit de cent années moins une, ou plus, selon le manque lié à
son ignorance dans Ordre.
Ainsi le peuple de l’Un règne dans les profondeurs de Corps,
fier de cette perpétuité qui le motive depuis près de trois
mille ans… Mais aujourd’hui le Grand Esprit est troublé.
L’équilibre de certains uns semble plus fragile encore et la
réponse d’évolution ne suffit plus. Dans le temple de Méa le
Sage, l’ordre de O s’est réunit pour entendre les Paroles. Comme
à tous les autres en cet instant, il fut demandé aux uns de cet
ordre de méditer afin d’apaiser le Grand Esprit car, c’est écrit
dans le ciel, l’arrivée de la Transfuge est proche…
____________
1 Le mot substrat est d’abord utilisé dans son sens
philosophique «Ce qui sert de support à une autre existence».
(Petit Robert, dictionnaire) Cependant, le lecteur doit savoir
que ses sens biochimique, géologique et linguistique n’ont pas
été omis de sa définition puisqu’ils ont aussi influencés la
poursuite du récit.
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