EXTRAIT
Tout ce temps après, roman policier,
Denis Cyr,
Fondation
littéraire Fleur de Lys
Détermination pour ne pas dire entêtement
La sécheresse de l’été, quasi-historique, basculait l’automne dans
une délinquance météorologique. Il faisait relativement très chaud
pour un début d’octobre à Mont d’Or. Un vrai fourneau même à
l’ombre. C’était du jamais vu en cette saison. Mais pour Narcisse,
malgré son âge avancé, fallait qu’il y retourne jusque là ? A cet
endroit, où son aventure de prospecteur minier avait un jour
commencé. Et surtout maintenant ?
Pour lui, ce petit état émotif subjectif, resurgissait toujours,
quand quelqu’un lui parlait de ses fameuses découvertes. Et comme,
ce dernier, disait souvent à ceux qui voulaient bien l’entendre.
— Malgré mon âge, je suis encore en pleine forme. C’est tout ce qui
compte. Et vieillir ce n’est pas une maladie.
La veille, au bar chez Ti-Père, un certain Martin Lelièvre lui avait
reparlé de sa fameuse roche pleine d’or visible. Et les propos d’un
dénommé Ti-B Pitre l’avait passablement agacé. Une chance qu’il
avait su réagir avec un peu de retenue. Étant reconnu pour être
prompt à la colère. Il avait failli passer à un poil de devenir de
la même couleur que son ‘’pull over’’ rouge écarlate. Un simple coup
de poing bien placé, aurait probablement suffi pour le mettre ko.
Mais, le prospecteur en avait conclu, que cela n’en valait pas la
peine.
Difficile de définir ce Green. Mais comme dirait les maintes
commères de Mont d’Or. S’ils me lisent ?
Néanmoins, les témoins de son jeune temps disaient que c’était tout
un phénomène que ce Narcisse. Mélomane averti, prospecteur dans
l’âme, marginal, penseur et rêveur. Un personnage, sensitif,
rationnel et tantôt irrationnel. Un bon travailleur astucieux,
réfléchi, avant-gardiste et opportuniste. En même temps, il était
fou comme un balai, en ne faisant qu’à sa tête. Dans leurs
racontars, l’homme était perçu comme un être excentrique,
extravagant, excessif et souvent déraisonnable par ses joyeuses
pipelettes.
Poursuivons donc, ce samedi soir d’octobre dans le bistro, ça
s’agglutinait, comme d’habitude, en masse, dans pas moins de 60
pieds carrés. Au goût de certain, Chez Ti-Père était rendu un peu
trop petit. Aux yeux des clients assidus, ce bar était grand en
masse. Cependant, chacun a droit à sa liberté d’opinion. En réalité,
seul le bâtiment principal n’avait subi aucune rénovation majeure
depuis sa construction. Seulement le mur de briques rouges, de
l’entrée principale avait été retapée, pour le look, il y a quelques
années. Néanmoins, quel coup de cœur pour les touristes. Quelle
fascination aux regards ! Ce lieu regorgeait de trésors historiques
et culturels, sans très peu d’investissement monétaire. Aucune ville
des alentours ne pouvait se vanter d’avoir sur leur territoire, une
telle institution. Et toujours le même propriétaire, Alfred Garon, à
sa tête depuis près de cinquante ans. Quoi qu’il en soit si
l’extérieur imposait sa lourde détérioration ! Fallait bien
reconnaître que l’intérieur demeurait soigneusement bien entretenue
par Pauline sa femme. Une personne propre, méticuleuse et analytique
dans tous ses choix de décors.
— Te souviens-tu Narcisse, de cette fameuse veine pleine de ‘’Free
gold’’ que tu avais découvert dans le secteur de la rivière Blanche.
À ta place, j’aurais prospecté le coin en masse. Je lui aurais
cherché de la famille de dire Martin Lelièvre. En ramenant, encore
une fois, ce sujet, vieux d’un demi-siècle sur la table de ce débit
de boisson.
— Au début de mon adolescence, mon père m’avait un jour promit de
m’amener avec lui, si je lui prouvais, mes talents de prospecteur
novice. En trouvant un indice minier, dans une région comme là
notre, prospecté depuis 1900 et même avant. Au tréfonds de moi-même,
j’étais convaincu qu’il ne m’amènerait jamais avec lui. Sans aucun
doute, Josépha préférait que je poursuive mes études auprès des
Clercs.
— Une façon de voir les choses. Mon père au contraire disait, que je
n’avais pas besoin de haute étude pour gagner honorablement ma vie.
J’ai fait de bons salaires dans les mines, mais mon bas de laine est
pratiquement vide commente cet ancien mineur encore ingambe.
N’ajoutant pas de commentaires, à son interlocuteur, le prospecteur
poursuivra tranquillement sa conversation à la fois vive et
profonde.
— Ce cher Papa, voulait que je devienne une personne lettrée, un
notaire ou même un huissier. Têtu comme un âne, j’avais l’intention
de devenir explorateur minier. Mais, mon paternel n’osait me donner
ma chance. Or, avec détermination et acharnement, quelques temps
après sa déclaration, qui m’enflammait au plus haut point. J’ai
trouvé un bloc erratique qui a intrigué mon père. En équipe, on a
travaillé ensemble un samedi après-midi et le lendemain.
Narcisse arrêta momentanément son bavardage, pour prendre une gorgée
de bière. Sortir sa montre de poche en or, une pièce unique. Et de
re-garder l’heure qu’il était.
— Je disais donc, Martin. On n’a pas découvert autre chose, qu’une
petite veinule de quartz, sur un petit affleurement. Pourtant, à
l’époque, on a fouillé le secteur avoisinant, mais en vain.
Pourtant, j’étais convaincu qu’elle n’était pas là, toute seule. Par
contre, ce projet bidon, a eu du bon. Il a permis de nous tisser des
liens solides père-fils, assez exceptionnels. J’avais connu le
contact d’un père que très occasionnel. Pour une fois, j’avais une
possibilité de le connaître le plus personnellement.
— Finalement, Josépha, tait-il promesse, de demander Lelièvre.
Ne répondant pas à la question de son interlocuteur, le vieux
prospecteur poursuivra néanmoins son récit, maintes fois raconté.
— J’avais 17 ans, le prix de l’or n’était pas bon. Pour gagner notre
croûte en prospectant, fallait être chanceux et surtout
opportuniste. L’uranium de la Saskatchewan à la fin des années 50,
nous a réellement aidé, le lithium ensuite, le fer et le cuivre.
— Ses choses-là, je le sais, Narcisse. Je veux que tu me parles de
ton indice Green-or propose son compagnon de beuverie.
— Je n’ai pas grand-chose à te dire, Martin. C’est certain que cette
veinule devait avoir de la parenté. J’ai jalonné le claim, mais j’ai
séché avec ce dernier. Avec le temps, j’y suis retourné à quelques
reprises pour y faire des travaux de décapage et tranchées, avec
l’aide de dynamite. Rien, toujours rien, j’ai fini par tout
abandonner. Le claim est resté inactif par la suite. Pendant les
années accréditives, une compagnie junior, y retourna. Mais, ils ne
sont pas plus fins que moi. Leurs gens instruits ne trouvèrent rien.
Malgré des travaux de cartographie, de géophysique et
d’interprétation de toute sorte.
— Narcisse, je comprends que selon leur expertise. Cela ne valait
pas la peine d’investir davantage ce secteur.
— À leur place, j’aurais risqué au moins, un seul petit trou de
forage !
— Forer dans le beurre, cela coûte cher.
— Néanmoins, Martin, quelques temps après un feu de forêt a détruit
toute la zone forestière de la Blanche, de la Belette et rasé le
domaine les Sieurs de St-Loup. J’y suis retourné, mais en voyant la
cabane dans les arbres, où je jouais enfant. Sans maison ni grange
et sans l’étable de mes parents. Pour te dire, vrai, comment je peux
être un grand émotif. Pendant un long moment, j’ai figé-là sur le
temps et mes souvenirs. Je te jure que j’ai bloqué là, incapable
d’aller plus loin. J’ai viré de bord assez raide.
L’homme s’arrêta net de parler pour reprendre son souffle et
ingurgiter une grande quantité de son houblon préféré.
— Je te dis, tu as peut-être passé à quelques pieds d’une mine d’or
de lui relancer d’une gaieté familière ce jovial bonhomme qui
arborait depuis des lunes, des lunettes à la Lennon, années 70.
— Bon, Martin, ferme donc ta gueule et cale ta bière suggère
agréablement Narcisse.
Quelques minutes plus tard, on verra apparaître dans l’entre porte
du bistrot, une jolie blonde d’une trentaine d’années au look
d’enfer.
— Mes deux vieux fous, ne restez pas à l’ombre. Venez dehors, il
fait beau et chaud. C’est la vrai belle vie, quoi ! On a rarement vu
cela à Mont d’Or. Une température pareille à ce temps-ci de l’année.
Pire en plus, y a plein de monde sur la terrasse.
— Angie, Angie, where will it lead us from here. Oh, Angie...
they can’t say we never tried de fredonner Martin, avec beaucoup
de plaisir la chanson des Rolling Stones à la serveuse.
— Arrête, mon beau Martin, cela m’agace un peu cette chanson. C’est
ma mère qui capotait sur les Stones, pas moi. Au moins, je la
remercie de ne pas m’avoir appelé Cecilia. Je m’imagine t’entendre
chanter avec ta voix enrouée : Cecilia, you’re breaking my heart...
— Angie, j’ai plein de souvenirs en tête, quand tu chantes. Je me
souviens de la petite fille d’hier, avec ses petits yeux étincelants
et ses longs cheveux bruns. Cette coquine gamine qui portait des
rubans roses. Eh ! oui, il y a longtemps déjà. Et la chanson que tu
me chantais toujours. Je ne pourrai jamais l’oublier de relater
Monsieur Green.
— Martin, je peux dire, que Narcisse ne manquait pas d’histoires à
me raconter. Quand, il venait, à notre loyer, de la rue Sylvestre,
draguer ma mère. Je ne comprenais pas grand-chose à la vie. Surtout
pas la moitié de cette chanson, de Sylvie et Johnny. Mais, ensemble,
avec ma voix d’enfant, on chantait ce couple heureux. Dis-moi
pourquoi tu es mon seul problème.
— Dis-moi pourquoi tu es mon seul souci de poursuivre Green.
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