David, tu es encore assis à 20 ans ! ?
Mais qu’est-ce que tu attends ?
Le spectacle est terminé… Bouge un peu…
Ton postérieur se fossilise sur la chaise…
Lève-toi… Va à la fenêtre et ouvre les rideaux…
Derrière eux se trouve le théâtre de la vie…
Saute sur la scène de la vie… Deviens acteur…
Cesse d’observer, de contempler, de chloroformer, de fossiliser…
Agis…
Cesse de regarder l’heure, car point d’honneur ! L’honneur réside
dans l’action…
Découvre-toi une cible… Puis, attaque… !
Crée un impact pour laisser une trace…
La vie n’est qu’une chaîne action-réaction…
Ne romps pas cette chaîne !
Message (qui a été) écrit par mes parents
dans la carte d’anniversaire
soulignant mes 20 ans
1. Déclaration de guerre. Fais ta prière…
L’existence de chaque être humain est une étincelle entre deux
noirceurs. Mais pour certaines personnes, la vie se déroule comme un
continuum de noirceur… C’est le cas de David qui rangea les
explosifs dans le coffre de sa voiture. « La guerre existera
toujours, seuls les motifs changent « se disait-il. Ce dernier mit
le moteur électrique-essence en marche et appuya fermement sur
l’accélérateur comme s’il écrasait un insecte nuisible. La verdure
bordant la route fléchissait sur son passage. À ce rythme d’enfer,
il quitta rapidement la campagne, se dirigeant vers sa cible : une
ville. Une très grande ville. Aucun doute dans son esprit, ce ne
serait qu'en ville que son attaque aurait le plus gros impact… Tel
un missile, impossible de faire dévier la voiture de sa trajectoire.
David avait ralenti son engin de guerre juste avant de frapper son
objectif : la capitale de la Corée du Sud.
Un des complices de David, Pyo, l’y attendait. Ce dernier habitait
toujours chez ses pairosomes dans un quartier de la ville où
l’argent liquide coulait à haut débit. En effet, l’abondance des
produits offerts dans les magasins reflétait bien le signe d’un
quartier rupin. « Tout prix rattaché à un objet ou à un service
contamine l’esprit de partage qui représente le seul traité de paix
entre les riches et les pauvres « se sermonnait David. Cette autre
guerre l’intéressait, mais il ne pouvait servir sur deux fronts à la
fois. Il ne changerait son uniforme de guerrier qu’une fois la
victoire acquise de son actuel combat…
Ce n’était pas un hasard pour David d’avoir atterri en Corée du Sud
pour mener à bien sa nouvelle mission. Il s’agissait en fait d’un
retour à ses origines. Issu d’un père coréen, ayant fui son pays
pendant la guerre de Corée, et d’une mère canadienne-anglaise, David
ne possédait que la langue coréenne comme héritage culturel du pays
de son père. Toutes les branches masculines de l’arbre généalogique
de David, spécifiquement les deux dernières générations, excepté la
branche paternelle, avaient été sectionnées lors de cette guerre de
Corée…
Les Coréens sont fiers. Historiquement, ils forment un peuple
n’ayant pas fait couler le sang autour de lui. Selon le père de
David, Cho, il n’a probablement pas été si facile pour la Corée
d’accepter son peu de conquêtes. Ainsi, dans leur inconscient
collectif, les Coréens se sentiraient minimisés de ne pas avoir pu
affirmer leur supériorité. Ils souffriraient intérieurement d’un
sentiment de frustration. Toujours selon Cho, la guerre de Corée
s’interpréterait comme une pulsion interne et ultime en vue de
braver son passé et de montrer qu’on est capable de passer à
l’acte !
On conquiert dans le but de dominer, de prendre le pouvoir.
L’impulsivité de David se caractérisait, non dans le but de
conquérir, mais plutôt de faire réagir, de provoquer un état de
conscience. Or, la conscience ne peut naître que de la confrontation
de forces contraires, antagonistes, qui obligent à faire un effort
d’harmonisation de ces forces, en réalisant de soi et de son
environnement une unité de la vie. David représentait une de ces
forces.
En ce début du mois d’août, le mélange de fumée et de brouillard
au-dessus de Séoul était particulièrement suffocant. Ça donnait
l’impression à David que cette ville brûlait. Les gens ne s’en
souciaient pas, ou très peu; bref, une quasi totale indifférence
flottait dans l'air. « L’être humain est doué d’une incroyable
faculté d’adaptation « réfléchissait-il. Par contre, David se
demandait souvent : « Que fera l’espèce humaine lorsqu’elle sera
confrontée à l’extinction ? Comment alors s’adapter aux feux de
l’enfer ? »
David arrêta sa voiture devant la maison de Pyo. Il signala sa
présence en frappant à la porte. Son complice vint lui ouvrir. Ils
se saluèrent amicalement en étirant uniquement les lèvres. David
laissa ses chaussures à l’entrée du domicile et souleva la jambe
droite pour pénétrer dans la salle à manger où le sol était
surélevé. Ils s’assirent par terre afin de discuter. David entama la
conversation.
— Es-tu prêt pour cette nouvelle mission ?
— Autant que pour les missions précédentes. La situation est grave.
Il faut agir sans tarder. Frappons dans la masse...
— Parfait, c’est exactement ce que je souhaitais entendre… Tu
constitues toujours le miroir de mes pensées.
— Cette fois-ci, veux-tu me révéler l'identité de la personne qui
t’a fourni les renseignements ? murmura Pyo.
— Je te le répète chaque fois, c’est NON, NON et NON. Je préfère que
chaque intervenant se limite à ses tâches respectives. De plus,
moins tu en sais, mieux ça vaut pour ta sécurité…
Pyo inclina la tête en signe d’acquiescement. Il poursuivit :
— Attaquerons-nous cet après-midi, comme convenu ?
— Bien sûr, le plan demeure le même; c’est moi qui donne les ordres…
— Voici, David, j’avais déjà pris un rendez-vous avec un client…
— Pas encore avec un de ces déviants !... Navré, Pyo, tu devras
reporter ta rencontre. Comme tu le sais, notre projet collectif
supplante toujours tes projets personnels.
Pyo abaissa la tête une seconde fois.
Sur ces derniers mots, ils se levèrent en même temps. David alla
chercher la bombe à retardement dans le coffre de sa voiture. Il la
remit avec précaution à son complice de longue date. Comme à
l’accoutumée, Pyo s’était assuré de l’absence de ses parents pour
réaliser ce transfert. David quitta ensuite son suppôt. Celui-ci
s’empressa de dissimuler la bombe dans sa chambre, plus précisément
dans le tiroir d’une commode sous des photos de membres du
gouvernement…
Dès sa première respiration à l’extérieur, David toussa légèrement.
En effectuant des mouvements de va-et-vient avec ses mains, il
balaya les particules nuisibles. Toute cette pollution le décevait,
le frustrait même. Il s’enferma aussitôt dans son conteneur motorisé
et le mit en mouvement. Puis il se rendit, comme à chaque semaine ou
à chaque frustration, à son club où il pratiquait son activité
sportive favorite : le taekwondo. À l’époque où il était enfant,
vivant à Montréal, David avait d’abord appris à se défendre dans la
rue, par le poing et le pied. Des cours suivirent afin de maîtriser
les techniques de cet art martial. Cela permettait de drainer son
énergie et de canaliser son agressivité tout en se dépensant d’une
manière éducative et contrôlée par les règles propres au taekwondo.
Le taekwondo, d’origine coréenne, est à la fois un art martial et un
sport de combat. C’est à la suite d’une démonstration devant le
président Syngman Rhee, en pleine guerre de Corée, que le taekwondo
fut rendu obligatoire dans l’armée coréenne. Cette mesure lui donna
son premier élan mondial. Comme tout art martial, le taekwondo a ce
double aspect : l’autodéfense et la santé selon l’adage « se
défendre en temps de guerre et vivre plus vieux en temps de paix ».
Pendant que David s’entraînait au combat en taekwondo, Pyo, son
messager de guerre, quitta son domicile à pied pour la nouvelle
attaque. Sa profession de tous les jours consistait à distribuer le
courrier entre différentes entreprises et aussi au sein du
gouvernement. Cette fois-ci, exceptionnellement, le colis que Pyo
s’apprêtait à livrer était de surcroît piégé…
Le messager marcha près de cinq minutes dans une tranchée urbaine.
Tenant fermement le colis sous le bras, il esquiva plusieurs
personnes tel un joueur de football américain porteur du ballon. Par
la suite, il grimpa dans un autobus et se laissa guider jusqu’à
l’endroit déterminé par David : les bureaux d’un quotidien coréen.
Arrivé sur les lieux de la cible, Pyo largua la bombe dans la boîte
de réception du courrier…
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