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Page personnelle de l'auteur Jean-Nil Chabot

Katri et le curé de Sainte-Anne

Roman historique, 218 pages.

 

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« Katri » c'est ainsi que l'appelait sa mère illinoise qui ne pouvait prononcer le nom français de Catherine. Son père, ancien coureur de bois, étant devenu veuf, voulut que sa fillette, âgée de 9 ans, et son fils,« Piyao », reçoivent une formation à la française. (Piyao, de 2 ans l'aîné de sa soeur fut baptisé sous le nom de Pierre, il est Pierrot pour son père et pour sa mère, qui ne pouvait prononcé les « r » français, il était Piyao, ce qui veut dire perdrix dans la langue indienne. De plus, Piyao convient à son caractère.) Le village indien et français, où les enfants avaient vécu leurs jeunes années, était situé à la confluence du Mississipi et de la rivière qui lui avait donné son nom, la rivière Kaskaskia. (Fondé en 1703, ce village fut inondé graduellement après 1844 lorsque le Mississipi changea son cours. Ses derniers vestiges disparurent lors de l'inondation de 1881.) Ayant constaté que ce milieu n'offrait pas un avenir prometteur pour la culture de ses deux enfants, Pierre Chabot décida de faire le long trajet de rivière en lac et de lac en rivière jusqu'à l'Île d'Orléans, qu'il n'avait pas revue depuis 30 ans, pour confier ses deux orphelins à celui ou celle de sa famille qui voulait bien les prendre à charge. Toutefois, c'est chez leur oncle Antoine, premier curé de Sainte-Anne-de-Beaupré, que les deux enfants échouèrent. Ils y demeurèrent jusqu'à la mort de ce dernier à l'âge de 51 ans. L'historien Auguste Gosselin écrit ce qui suit concernant le curé :

 

« M. Antoine Chabot, curé de cette paroisse (Sainte-Anne-de-Beaupré) pendant vingt ans, de 1702 à 1728, était né à Sainte-Famille, Île d’Orléans, et avait bien connu Mgr de Laval. C’était un curé modèle qui travailla tout le temps de son ministère sacerdotal avec un zèle admirable à l’embellissement de son église et à la formation religieuse de son peuple, ainsi qu’à l’œuvre des pèlerinages: les archives de Sainte-Anne parlent éloquemment en sa faveur. » (L’Église du Canada, 1912, T. II, p. 342.) Voilà, pour les faits historiques.

 

Dans le roman, ce sera pour se consoler de la perte de cet oncle très aimé et pour faire un peu de lumière sur sa vie que Katri entreprendra d'écrire son journal où elle se racontera, ainsi que son entourage. Tout en tenant compte de l'actualité qui se présente à elle de jour en jour, Katrie revoit le passé, la vie peu ordinaire qu'elle a vécu avec son frère et leur oncle dans l'un des premiers presbytères du Québec. Parmi les aventures sues récit, leur voyage de Kaskakia à Québec n'est pas la moindre. À partir de l'arrivée à l'Île d'Orléans, le roman se déroule autour d'un objet qui devient très cher à l'héroïne et qui sert de fil conducteur, reliant entre eux les événements et les réflexions qu'elle apporte quotidiennement à son journal. Il s'agit d'un tableau, une peinture de Kateri Tekakwitha pour laquelle Katri a servi de modèle. L'œuvre est d'une artiste amateur : la voisine de l'oncle Jean. La peinture aboutit au presbytère de l'Abbé Chabot où on l'installe dans le grand salon. Pour Katri cette image est non seulement une représentation de sa parente, mais sa présence même. (Dans le roman on a découvert que Katri était la cousine de Tekakwitha).

 

 

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Prologue

 

Sainte-Anne-de-Beaupré,

le samedi 22 février, 1728

 

 

Je suis accablée de chagrin et de tracas. Mon oncle est décédé mercredi dernier à l’âge de 51 ans et, depuis, je viens épancher ma peine, ici, au grand salon du presbytère. C’est ici, agenouillée devant le grand crucifix, en compagnie de mon oncle et de mon frère, que je faisais la prière du matin et, le soir, récitais le chapelet. Pendant que mon oncle et mon frère fermaient les yeux ou regardaient le crucifix, moi, je tournais le regard vers l’image. Au début, lorsque je la regardais, elle ne m’apparaissait pas belle. Il me semblait aussi qu’elle ne me ressemblait pas malgré qu’on l’avait peinte en me prenant pour modèle. Cependant, plus je m’y habituais, plus elle devenait vivante; et plus elle devenait vivante, plus elle devenait belle. En fait, une présence semblait s’installer en elle. Non pas que ses traits devenaient physiquement animés (il n’y avait pas de miracle) mais plutôt ils animaient quelque chose en moi. Dans ces yeux qui demeuraient fixes, et sur ces lèvres qui ne bougeaient pas, était apparu un sourire vivant qui communiait avec moi et me communiquait une paix inexprimable. Derrière les yeux de cette peinture qui pourtant n’était pas en vie, j’apercevais l’éclat lumineux d’une âme qui me souriait. Mais, aujourd’hui, l’image n’est plus là: elle est partie la première, et lui après... Et je n’ai plus personne, sinon mon frère amoureux, qui n’a guère plus de temps pour moi et qui, d’ailleurs, n’est presque jamais au presbytère. La vie s’est effacée de ma demeure. Il n’y a plus rien pour les sens... Rien à quoi m’accrocher pour me redonner un peu le goût de vivre.

Je suis seule, tellement seule! Pourquoi n’y a-t-il personne pour me redonner la joie d’aimer sans laquelle la vie ne vaut pas la peine d’être vécue? Et pourtant, malgré tout, en dépit du vide qui me fait face sur ce mur où l’image était suspendue, en dépit de ma tristesse, il y a au fond de mon âme souffrante une paix que rien ne saurait déraciner. Comment comprendre? Chaque jour, je puise à nouveau cette paix à la source en m’agenouil-lant devant le Saint-Sacrement. Là, dans le tabernacle, le Bon Dieu s’est rendu présent pendant 25 ans en se soumettant au pouvoir sacerdotal de mon oncle. J’ai pris l’habitude de cette rencontre, mais cela ne m’empê-che pas de revenir devant ce mur blanc à chaque moment de solitude et de misère pour supplier le Bon Dieu de me faire sortir de ce sombre passage et pour voir réapparaître, enfin, la lumière. Je le prie de ne plus me laisser face à cette absence, car mes sens, eux aussi, ont besoin de présence.

Je remets à demain... Ma douleur est trop grande pour continuer à écrire aujourd’hui. Ce n’est pas de mes larmes que je veux couvrir ce papier.

M’y voilà à nouveau. Il m’a fallu beaucoup d’effort hier pour écrire. (Même lorsque je ne souffre pas, c’est un effort, puisque je ne suis pas très instruite et je dois longtemps chercher les mots pour exprimer ce que je ressens; parfois sans y parvenir.) Aujourd’hui, parce que je suis beaucoup plus calme, j’ai pensé écrire au sujet de l’image. C’est un portrait qui appartient au salon du presbytère de Sainte-Anne-de-Beaupré. L’auteur en avait fait cadeau à mon oncle. Pour relater toute son histoire, il faut à vrai dire remonter à une dizaine d’années.

 

 

 

* * *

 

 

 

CHAPITRE I

 

Le long voyage depuis le pays de ma mère indienne

 

 

En août de 1717, l’année où M. de Bienville fondait la Nouvelle-Orléans dans la Louisiane de ma mère, Pierre et moi arrivions avec Papa à l’Île d’Orléans. Six ans plus tôt, j’avais perdu ma mère au cours d’une épidémie de petite vérole. Dès que Maman fut atteinte, Papa nous a confiés, mon frère et moi, aux bons soins d’une parente qui alla, avec un groupe de sa tribu, s’isoler dans la forêt pour échapper à cette maladie mortelle. No’koume (c’est-à-dire «Grand-mère»), que j’aimais beaucoup, nous accompagnait, elle aussi. Ma mère, une Kaskaskie (tribu de la Confédération des Illinois) avait, comme la plupart des sauvages, bien peu de résistance contre la petite vérole. Papa a veillé sur elle jusqu’à la fin. On l’a ensevelie à Kaskaskia même, dans le cimetière de la petite église de l’Immaculée-Conception construite en 1692 par le père Jacques Gravier. Après ça, nous sommes demeurés, Pierre et moi, avec la parenté de ma mère. Mon frère, qui avait un an de plus que moi, balbutiait déjà dans la langue des Kaskaskies. Papa regrettait beaucoup que nous ne soyons pas élevés comme des Français. Il ne tarda pas a prendre la résolution de retourner au pays de sa famille, mais il devait attendre que je sois assez grande pour supporter un voyage de plus de 300 lieues en canoë. Finalement, après quelques disputes avec des parents de ma mère qui ne voulaient pas nous laisser partir, nous quittions Kaskaskia, faisant partie d’une expédition de 24 personnes dans cinq canoës d’écorce.

Mon père revenait dans un pays qu’il n’avait pas vu depuis 34 ans. Il s’était fait engager comme pagayeur, mais malgré cela, M. Moreau, l’entrepreneur, voulu se faire payer quelques fourrures. Cependant, parce que ce dernier avait besoin d’un homme d’expérience, Papa finit par conclure un marché en notre faveur. Ensuite, installés au fond du canoë parmi les ballots avec nos jeux de cordes, de bâtons et d’anneaux, Pierre et moi prenions nos aises autant que possible. Trop excités, nous partions sans penser au déchirement que cela devait causer à notre tante qui nous avait servi de mère depuis la mort de Maman.

Pour les pagayeurs, l’effort allait être épuisant, surtout jusqu’au Grands Lacs, puisqu’il fallait remonter le cours des rivières et cela à la mi-mai, alors que les eaux accrues rendent le courant plus difficile à combattre. Il y aurait aussi la menace des épaves d’arbres flottants, arrachés aux bords croulants du Mississipi. Par contre, Papa disait que les chicots cachés au fond de la rivière seraient beaucoup moins dangereux et qu’il y aurait beaucoup moins de détours et de retards causés par les barres de sable qui apparaissent toujours sur la Grande Rivière au milieu de l’été.

«C’est l’aviron qui nous mène, qui nous mène, c’est l’aviron qui nous mène en haut!» Les pagayeurs, semble-t-il, sont tous chanteurs. Mon frère et moi entonnions avec eux ces chansons familières. Pour nous, comme pour les autres sauvages qui faisaient le voyage avec nous, ces chansons évoquaient presque les seuls mots français que nous connaissions. Le chant avait un effet tonifiant pour tous les voyageurs Les pagayeurs y trouvaient un moyen de se stimuler et d’harmoniser leurs efforts. Quant à nous, voyageurs immobiles, il nous aidait à être actifs sans bouger.

Élevés à la manière des petits sauvages nous avions appris à nous tenir tranquilles. Un enfant qui s’agite et qui pleure, soit à la chasse, soit à proximité de l’ennemi, peut mettre sa famille en péril. C’est pour cela que les mères et les nourrices de nos tribus ne répondent pas, à moins d’urgence, aux cris et aux pleurs de leurs bébés. Ceux-ci apprennent qu’on ne gagne rien à faire du bruit.

Malgré un tel entraînement et malgré les distractions du voyage, les longues heures à nous tenir assis sans bouger allaient devenir presque intolérables pour Pierre qui avait la bougeotte. Pour moi, la musique des chants, de l’eau, des rames, des oiseaux, de la nature toujours changeante était comme une berceuse qui me faisait passer des petits jeux au sommeil et aux rêves sans que je me sente trop ennuyée. Ainsi, j’oubliais assez facilement l’engourdissement des jambes, ainsi que l’inconfort causé par les intempéries. Sans en prendre vraiment conscience, j’emmagasinais dans ma mémoire une expérience à laquelle je ne cesserais de puiser.

Avant d’arriver à l’endroit où nous devions nous arrêter pour la première fois, il a fallu passer sous les célèbres falaises Piasa. Pierre et moi avions beaucoup entendu parler des mauvais esprits de la Piasa et nous allions imiter les autres sauvages qui baissaient la tête à cause du malheur qui devait tomber sur ceux qui la regardent. Papa se moqua de nous: «Voyons, les enfants! Êtes-vous plus peureux que cette hirondelle qui a fait son nid dans un creux au plein milieu du rocher?»

Notre curiosité et la bravoure de la petite hirondelle suffirent à nous faire ouvrir les yeux. Deux monstres terrifiants étaient peints sur le rocher. Ils avaient des panaches comme ceux d’un chevreuil, des barbiches comme celles du tigre, des faces comme celles d’un homme. Leur corps couvert d’écailles était aussi grand que celui d’un veau. Leurs queues étaient si longues qu’elles s’enlaçaient autour de leurs corps. Des corps noir, vert et rouge, avec des yeux comme injectés sang! Je n’avais jamais rien vu de si effrayant. Personne ne sait qui les a mis là. Papa disait qu’il ne comprenait pas comment ils auraient pu être fait de main d’homme, à cause de l’escarpement du rocher et aussi parce qu’ils étaient si bien réussis. Parmi les nations Illinoises, il ne connaissait personne capable d’un tel chef-d’œuvre.

J’ai fini par détourner le regard, moi aussi, parce que l’incrédulité de mon père avait moins d’influence sur moi que les légendes de No’koume. C’est à une demi lieue en amont de ce terrifiant rocher, sur une rive sablonneuse, que les canoës s’arrêtèrent enfin.

 

– Allez, les jumeaux, allez vous dégourdir les jambes!

 

Je ne sais pas si M. Moreau nous croyait vraiment jumeaux, ou s’il nous appelait ainsi parce que nous étions de la même taille. De toute façon, il continua jusqu’à la fin du voyage à nous dénommer comme cela et il n’y eut jamais personne pour le démentir. Je dois dire, entre parenthèses, qu’aujourd’hui Pierre est un gaillard qui dépasse tous ses amis par la taille et, il me semble, en sagesse aussi.

Ce jour-là, cependant, Pierre n’était qu’un gamin aux jambes pleines de démangeaisons. Et, pour nous tenir occupés tout en nous empêchant de faire des sottises, Papa nous envoya ramasser des brindilles de saule sèches pour aider à faire prendre le feu. Quelque part dans les broussailles, un coq perdrix battait des ailes. Nous avions déjà fait deux piles de ces branchages, les uns bien petits et les autres un peu plus gros, et il ne restait plus qu’à attendre d’avoir un feu assez chaud pour faire bouillir le maïs et faire frire les grillades de lard salé. Quant au poisson, avec la hauteur des eaux, il aurait fallu prendre le temps d’installer un filet pour en attraper, et les hommes étaient pressés. Nous avions bien aperçu quelques-uns des gigantesques poissons-chats du Mississipi, mais je ne sais comment aurions pu les prendre même si nous avions eu le goût d’en manger. Nous comptions avoir une venaison plus abondante et variée en cours de route.

En attendant que la nourriture soit prête et que les adultes aient pris leur part nous nous enfoncions un peu, mon frère et moi, dans la forêt. J’entendis l’avertissement de mon père: «Catherine, assure-toi que Pierrot ne te conduis pas trop loin!» Il savait bien que mon frère, impulsif comme il est, se laisserait facilement distraire par une piste intéressante. «Oui! Oui!», répondis-je à Papa, tout en suivant mon aîné, faisant attention surtout à une infinie variété de fleurs qui couvraient le sol et pendaient aux branches des arbres. Il y avait beaucoup de géraniums sauvages à cet endroit, ainsi que des gants-de-Notre-Dame, et les amélanchiers étaient tout en fleurs.

Tout à coup, Pierre figea sur place, sa main étendue pour me faire signe d’arrêter. Il resta un moment sans bouger, puis, s’accroupissant, il me tira par la manche pour me faire asseoir près d’un bouleau qui se trouvait là. Prenant un air de guerrier, il me dit tout bas: «Reste ici, Katri, et ne bouge pas!» (Seul, mon père m’appelait Catherine. Pour les sauvages, ma mère y compris, c’était Katri. Pierre aussi avait son nom kaskaskien, «Piyao», nom qui ressemble au «Pierrot» de mon père et qui veut dire «perdrix» dans la langue de ma mère.)

Sans bruit mon frère tira son couteau de l’étui, coupa une longue branche et y attacha le lacet de son mocassin, avec lequel il fit un nœud coulant. Armé de ce collet improvisé, il s’approcha d’un fourré de saules où une sotte perdrix se tordait le cou pour le voir s’approcher. Le collet descendit doucement et se resserra brusquement sur le cou tendu.

Les autres voyageurs eurent beaucoup de plaisir à nous taquiner en nous regardant manger «ce chétif poulet qui ferait de la bonne bouillie pour les chats». Pour toute réponse nous leur dévorions cette tendre chair de perdrix sous le nez, la finissant avec plusieurs rots bruyants, pour leur montrer, à la façon des sauvages, l’insolence de nos estomacs satisfaits.

Il fallut bientôt continuer notre route. Nous avions encore un bon bout de rivière à faire sur le Mississipi. Un vent chaud remontait le courant avec nous. Les pagayeurs durent enlever leurs chemises et, de temps à autre, l’un ou l’autre brisait le rythme de la rame pour essuyer la sueur qui lui embrouillait la vue. On pouvait voir leurs muscles se gonfler et se dégonfler sous la peau, semblable aux mouvements des vagues qui s’élevaient et s’abaissaient sur la Grande Rivière. De temps à autre, l’ombre d’un vautour fuyait à la surface de l’eau, passait sur le rivage d’argile rouge et disparaissait finalement dans la broussaille et les peupliers qui abondaient sur les berges. Il y avait, en effet, parmi les débris de la rivière, suffisamment de charogne pour attirer ces oiseaux carnassiers.

Le ciel s’assombrit et il fallut déployer les toiles huilées puisque la pluie allait tomber à siaux. Nous, les enfants, pouvions dormir sous ta toile au son du tambourinage de la pluie, mais les hommes, eux, continuaient à pagayer jusqu’à la venue de la nuit. Alors il aurait fallu plus que l’orage pour leur dérober le repos si bien mérité qu’ils prenaient couchés sur des branchages de sapins, protégés par la toile ou par leurs canoës renversés. Ainsi débutait notre voyage, et il devait continuer de la même façon pour trois mois.

Ayant à peine dépassé la rivière des Missouris, qui venait de l’ouest, nous empruntions l’embouchure de celle des Illinois qui nous conduisait vers le nord-est. Continuant cette route, en passant ensuite par la rivière Chicago, nous allions déboucher sur le lac Michigan. La rivière des Illinois nous a semblé la plus belle et la plus noble des rivières. Elle coule calmement à travers prairies et forêts, nous découvrant à chaque tournant un paradis d’animaux, d’oiseaux et de fleurs. (J’imagine quels fruits savoureux ces fleurs produisent à l’automne...) Parfois, les bisons, les élans, ou les chevreuils nous regardaient passer, sans même s’enfuir.

Il était facile pour les hommes de se procurer la venaison qu’il nous fallait. Cependant, je fermais les yeux lorsqu’il fallait abattre une de ces belles bêtes. J’avais de la difficulté à comprendre pourquoi on devait toujours tuer pour survivre. Je trouvais les lois de la nature bien cruelles. Quant à Pierre, il ne semblait pas s’en faire du tout. Les canards, les hérons et les cygnes qui peuplaient la rivière n’étaient pour lui que du gibier et il les tirait tous avec son arc imaginaire. Toutefois, il renonça à ce jeu lorsqu’il vit passer les pigeons voyageurs. Il y en avait tant que le soleil s’en trouvait obscurci et mon frère abasourdi.

C’est en approchant du lac Michigan que Pierre et moi avons fait notre première rencontre avec le castor. La petite caravane fluviale s’était arrêtée pour permettre à ses voyageurs de se rafraîchir. Pierre, comme d’habitude, ne tenait pas en place: «Katri, allons là-haut, sur la colline!» Je suis allée demander à Papa. Avant de nous le permettre, il en parla à M. Moreau. Celui-ci était un homme que ne plaisantait pas.

 

– Chabot, ce sont tes enfants. S’ils ne sont pas ici au départ, nous partirons sans eux.

 

– Tu as compris, Pierrot? Je vous laisse partir mais soyez certains d’être assez près pour m’entendre lorsque je vous appellerai.

 

Je fis signe à mon père que j’avais compris, mais mon frère agit comme cela était entré par une oreille et sorti par l’autre.

 

– Piyao, tu sais bien que je cours moins vite que toi.

 

En fait, c’est moi qui arrivai la première, puisque, chemin faisant, Pierre s’était laissé encore une fois distraire par... une perdrix. Au sommet, on pouvait voir, de l’autre côté, un petit lac peu profond (les herbes en sortaient de partout) et une digue qui en retenait les eaux. Trois ou quatre huttes faites de branchages perçaient la surface du lac.

 

– Piyao, vient voir!

 

L’écho de mon cri n’avait pas rebondi jusqu’à moi qu’un lourd claquement se fit entendre, comme la décharge d’un fusil. Je sursautai, ne sachant pas qu’il s’agissait d’un castor frappant l’eau de sa queue. Au même instant, ou presque, j’entendis bruit du plongeon de plusieurs de ces bêtes et puis... plus rien. Au bord du lac, nous avons découvert des troncs d’arbres abattus à coups de dents et j’ai deviné alors qu’il s’agissait de castors, ces animaux qui avaient fait courir Papa dans les bois pendant presque 30 ans. Pierre me rejoignit et fit la suggestion de se cacher dans la broussaille pour voir si les gros rongeurs allaient réapparaître. En effet, après quelques minutes, de belles têtes plates apparaissaient l’une après l’autre à la surface du lac. Quelques-uns reprirent même leurs travaux délaissés. Nous étions encore à les observer lorsque le cri de Papa se fit entendre: «Catherine! Pierrot! Nous partons!»

Il fallait dégringoler, mais Pierre voulait rester là encore un peu. Je me suis levée en faisant peur aux castors et mon frère, ayant perdu de vue les bûcherons, me suivit aussitôt. Les hommes, en entendant notre récit, se montrèrent heureux d’être revenus au pays du castor. Ils reprirent l’aviron en chantant: «Envoyons d’l’avant nos gens...»

C’est curieux que je me rappelle quelle chanson nous avons chanté à chaque étape. Il se peut que j’aie simplement enregistré dans ma mémoire ce que j’ai imaginé par après. J’ai revécu cette expérience tellement de fois, remplissant avec mon imagination les trous de ma mémoire, si bien que je ne sais plus distinguer entre ce que j’ai vécu et ce que j’ai inventé.

Ce soir là, le soleil couchant sembla se dissoudre dans l’eau. À mesure que sa luminosité diminuait, ses couleurs se dissipaient parmi les vagues qui frappaient doucement les canoës en clapotant. Le nôtre était le dernier à arriver à l’endroit où nous devions faire escale. Devant nous, il y avait la silhouette des autres embarcations avec leurs pagayeurs aux gestes ralentis par la fatigue... On aurait dit des marionnettes mues par une main invisible.

Après avoir fait ma part de corvée, j’ai dit à Pierre, pour m’en débarrasser, qu’il me fallait aller faire mes besoins. J’ai retrouvé ma verte cathédrale sous le feuillage dansant d’un peuplier, au bord de l’eau où miroitaient les premiers rayons de lune. Là, je fis ma prière comme me l’avait montrée No’koume, ma grand-mère. J’étais distraite, cependant, et je m’imaginais qu’un jour j’inventerais un appareil qui pourrait capter les images de la nature pour les rendre immortelles comme les peintures pendues aux murs de nos maisons.

Dans ce pays là, nous avons rencontré diverses tribus d’Illinois, revenus dans leur vallée depuis que les Iroquois étaient eux-mêmes retournés dans leur territoire traditionnel. Il y avait parmi le groupe des Illiniweks, un village de Kaskaskies, de la tribu de ma mère, qui eux aussi étaient revenus après le départ de l’ennemi. Nous sommes arrivés dans leur territoire un samedi après-midi. (Je m’en souviens parce que le lendemain soir M. LeGuerrier; notre homme d’église, regroupa tous ceux qui voulaient prier, pour célébrer les vêpres, dont il avait la prière dans un petit livre à la couverture de cuir tout usée et noircie.) Nous étions encore loin du village lorsque l’apparition de sentiers, d’arbres abattus et de déchets laissés le long de la rivière nous révélèrent une présence humaine. Toutefois, en dépit de tous ces signes, et, plus loin, la présence de cabanes, il n’y avait pas un seul être humain en vue, et on n’entendait rien sinon le plongeon des avirons et le clapotis que faisaient les vagues en frappant nos canoës. M. Moreau fit signe aux pagayeurs de laisser glisser… On n’entendit plus que le son des vagues. Même les oiseaux avaient cessé de pépier.

Tout à coup, une rafale! Et le sifflement des balles!

 

– Bougez pas! Bougez pas!

 

Cet ordre de M. Moreau se fit entendre avant que personne n’aie eu le temps de saisir son fusil. D’ailleurs, il n’était sans doute pas le seul à avoir compris que les balles et la poudre étant précieuses, on s’en serait servi avec plus d’effet s’il s’était vraiment agit d’une attaque. Presque aussitôt la rafale passée, en même temps qu’un grand cri de guerre, les têtes d’une centaine de guerriers s’élevèrent au-dessus des buissons qui longeaient la grève.

Les gens du village avaient été prévenus de notre arrivée et nous accueillaient à leur façon. Je suis certaine qu’ils voulaient nous faire peur et s’amuser à nos dépens. Je me demande ce qui serait arrivé si nos propres gens leur avaient répliqué à coups de fusil? Papa ne tarda pas à nous trouver une parenté qui nous reçut comme des princes. Je me souviens surtout d’un mets très spécial, le riz sauvage, qu’on nous a offert généreusement malgré qu’on le puisait dans une réserve passablement réduite. L’appétit de Pierre était égal à l’hospitalité de nos hôtes, et il ne fut pas sans en ressentir quelques malaises. Je ne suis pas sûre qu’il dormit bien ce soir-là.

Je me suis mal reposée moi aussi, mais pour une autre raison… à cause de mes larmes. En me couchant, je me mis à penser à No’Koume. Elle me manquait – ma tante aussi – et plus je pensais à elles, plus le regret augmentait ma tristesse. Toutefois, la douleur m’engourdissant, j’ai fini par sombrer dans un sommeil plein de rêves de ma douce Kaskaskia.

Nous avons ensuite poursuivi notre route jusqu’à l’endroit où la rivière des Illinois bifurque et donne naissance à celle des Plaines. Plus loin, entre cette dernière et la Chicago, nous avons dû faire notre premier portage. Nous devions faire notre part, Pierre et moi, et on nous chargea autant que nos pauvres épaules pouvaient le supporter. Quoique la distance ne fut qu’une demi lieue à travers la prairie, après deux allers et retours, je n’en pouvais plus. Heureusement, c’était tout ce qu’il fallait faire. Rembarqués, il ne nous restait plus que quelques lieues sur la Chicago avant de commencer à longer la rive du lac Michigan.

Nous avions devant nous une nappe d’eau douce qui s’étendait vers le nord jusqu’à l’infini, et se mariait à l’ouest aux couleurs du soleil couchant. Ce jour-là, la mer était assez paisible, et ses vagues étaient comme la respiration paresseuse d’un dormeur. Mais gare au dormeur, lorsqu’il se réveille! Cela a été notre expérience par après. Au cours des quelques 80 lieues que nous avons parcourues le long de sa côte ouest, le lac Michigan nous fit connaître plus d’une fois ses excès de fureur. Je ne suis pas d’une nature peureuse, mais s’il y a une chose qui m’effraie, ce sont les orages, et nous en avons eu plus d’un sur ce grand lac. Durant ces tempêtes, Pierre s’amusait bien, tandis que moi, je m’assurais que pas un cheveu de ma tête n’échappe à la protection que j’imaginais recevoir de la toile huilée.

Nous avons fait notre deuxième portage, entre la baie de l’Esturgeon et la baie Verte, juste avant d’arriver à la Mission Saint-Ignace. C’était vers la fin juillet, un vendredi. (Cette fois-ci, je me souviens du jour parce que les Pères nous offrirent du poisson au repas que nous avons pris chez eux.) Nous sommes repartis le 27 du mois, le lendemain de la fête de la bonne sainte Anne, peut-être un mardi. J’ai été bien émue par les belles cérémonies qui célébraient notre chère patronne. (Loin de moi, ce jour-là, l’idée que je viendrais passer 11 années de ma vie, ici, au sanctuaire de Beaupré, où la Grand-Mère de Jésus accomplit tant de miracles.) Papa se confessa et communia. J’aurais tellement voulu le suivre, mais j’étais trop jeune et trop peu instruite dans la foi catholique.

C’est au Sault-Sainte-Marie, quelques jours plus tard, que nous avons fait l’escale suivante. Nous nous sommes ravitaillés en nourriture et papa, dont la foi semblait revivre en revenant vers sa famille, ne manqua pas de nous conduire à la messe à chacun des trois matins de notre séjour. Il eut aussi le plaisir de revoir son ancien patron, Zacharie Jolliet, frère du Louis qui a découvert le Mississippi. Je dois mentionner aussi qu’un des pagayeurs était tombé malade en cours de route et dut demeurer au Sault. M. Moreau engagea un sauvage objibwé pour le remplacer.

Lorsque vint le moment de partir, notre petite flottille avait acquis un canoë et six hommes de plus. Les maringouins, les mouches et les taons faisaient grande campagne. Heureusement que nous avions de la graisse d’ours pour nous protéger. Je croyais alors que l’huile et la graisse embellissaient et je me croyais bien jolie avec mon visage et mes cheveux graisseux. Aujourd’hui, je ne me présenterais certainement pas grimée de cette façon à la messe du dimanche.

La rivière Sainte-Marie; quel changement! Les pagayeurs n’avaient plus qu’à suivre le courant sans efforts. Le travail était devenu presque un jeu et il n’y avait rien de mieux pour créer une atmosphère de gaieté. Dans notre canoë, on chantait «Vive la Canadienne» et «Youppe, youppe, sur la rivière». Papa entonnait parfois des chansons pour Pierre et moi. Notre préférée était «Quand j’étais chez mon père, apprenti pastouriau». Nous n’avions aucune idée de ce que pouvait être la vie d’un apprenti pastouriau, et le seul mouton que nous connaissions était celui que Papa nous avait charbonné sur un des canoës. (Ce qui fit délier la langue du propriétaire d’une façon pas tout à fait aimable.) Tout de même, cette chanson avait un petit cachet blagueur qui nous plaisait.

Pour combler le plaisir de ce parcours, nous avons eu un temps merveilleux. Le soleil réchauffait avec modération à cause de la brise venant du nord-est, où nous attendait le grand lac Huron. Seuls les moustiques nous agaçaient. Là aussi, au bord de la Sainte-Marie, Pierre et moi avons goûté, pour la première fois, au sucre d’érable. Une femme sauteux nous en avait servi. Nous n’avions jamais rien connu d’aussi doux pour le palais.

La flottille arriva au lac des Hurons et côtoya le côté nord jusqu’à la rivière des Français. Nous avons remonté cette dernière jusqu’au lac Nipissing, que nos voyageurs trouvèrent dangereux à cause des grands vents qui soufflaient sur toute sa longueur. De plus, il se mit à pleuvoir; une pluie qui, petit à petit, jour après jour, finit par ne rien laisser de sec. Heureusement que nous étions au début d’août et qu’il faisait chaud.

À l’autre extrémité du lac, notre route pouvait suivre encore une fois le cours des rivières. Ce fut d’abord sur la Mattawa et ensuite sur celle des Outaouais. Cette dernière, gonflée par les pluies, était d’une humeur galopante. J’en eus peur. Ses rapides dangereux et ses cascades bouillonnantes n’avaient rien de rassurant. Nos canoës, cependant, guidés par des bras habiles, parvenaient à sauter ces rapides les uns après les autres et je finis par apprivoiser un peu ma crainte. Cette violente ruée d’eau ne parvenait pas à m’amuser comme elle amusait Pierre qui riait de voir l’eau sauter en l’air et de la sentir pleuvoir sur nous. Mais elle ne pouvait, non plus, m’enlever l’assurance que sa sauvage énergie ne parviendrait jamais à déjouer les manœuvres expertes de nos pagayeurs. Les cris et les rires de ceux-ci montraient que certains d’entre eux, du moins, se faisaient un jeu de cette glissade furieuse.

Après que nous eussions passé une quarantaine de rapides – je les comptais, mais je ne puis me souvenir le leur nombre exact – j’entendis soudain un cri qui n’était plus de l’exaltation, mais de la détresse! Secoués par le courant et aveuglés par l’écume, nous ne pouvions distinguer ce qui venait de causer cette alarme. Je me suis tournée vers Papa et j’ai bien vu l’horreur peinte sur son visage. Ce n’est qu’au bout des rapides que je vis passer un canoë renversé. On réussit à l’attraper et à le conduire au rivage avec les quatre hommes qui avaient pu s’y agripper, Un cinquième voyageur suivait de près. On le repêcha lui aussi. Il était inconscient et il fallut lui pomper les poumons pour lui faire cracher l’eau qu’il avait avalée. Heureusement, on finit par lui faire reprendre son souffle. Un sixième homme manquait.

Le canoë, presque rompu en deux, était irréparable. Les hommes repêchèrent une bonne quantité de la marchandise la plus légère, telle les fourrures, et on parvint à tout mettre dans les autres canoës. Il y avait, de plus, les cinq voyageurs qui avaient survécu à l’accident. Nous avons pris dans notre canoë, en plus de quelques ballots, l’homme qu’on avait réanimé. Nous étions beaucoup plus à l’étroit, mais il fallait bien s’accommoder. Je crois que nous l’avons tous fait de bon cœur. Le reste de la descente allait se faire avec de plus grandes précautions.

C’est Papa qui a retrouvé le disparu – au bas des rapides. Ce qu’il vit d’abord n’était qu’une forme flasque repliée contre un rocher. Le corps émergeait à peine, alors que les extrémités disparaissaient sous l’eau. Il était trop tard. M. Moreau assembla tout le monde pour une prière. Il revint à M. LeGuerrier, à qui on avait toujours recours pour ce genre de chose, de recommander à Dieu l’âme du noyé. Il pria aussi le Bon Dieu de nous protéger pendant le reste du voyage. Pour ceux qui allaient à Montréal, le parcours tirait bien vite à sa fin.

 

 

* * *

 

 

Ce récit semble prendre de la longueur, tout comme le temps qui passe. Mars gouverne cette saison avec un mélange de rigueur et de douceur: Parfois c’est le dégel, parfois c’est la tempête. Ce mois capricieux en est déjà à son douzième jour. Cela veut dire que trois semaines et demie me séparent de la mort de mon oncle. Son absence me cause de la souffrance et de l’embarras. Toutefois, je m’habitue bien vite – trop vite – à son départ. C’est là une souffrance de plus, venant de ma conscience qui me dit de ne pas oublier si tôt. En fait, je n’oublie pas; c’est plutôt que l’oncle me semble toujours là, même si mes sens ne décèlent aucune présence physique. C’est bien confus tout ça, et je constate que pour le moment je partage bien l’humeur inconstante de ce mois de mars. Il est heureux que je sache m’accrocher à Dieu par la prière. Avec lui, je puis voguer au-dessus de mes misères et de mes incertitudes sans me laisser emporter par elles.

Nous venons d’assister à la grand-messe et j’écris quelques lignes tout en préparant le repas du midi. Pierre et M. LeBerre (notre nouveau curé) rentreront bientôt. Nous aimons bien ce jeune prêtre qui vient célébrer la messe du dimanche depuis la mort de mon oncle. Si seulement je pouvais m’ouvrir à lui... Heureusement, j’ai mon écrit: chaque jour, en me livrant sur papier je peux, petit à petit, faire le point sur les circonstances qui affectent ma vie.

Pour cela, il me faut de la solitude. Ô solitude! Mélancolique mais douce, c’est chez toi que je me retrouve... que je me retrouve en Dieu! Mais je dois t’abandonner pour quelques heures puisque j’entends mon frère et notre curé qui arrivent.

 

 

* * *

 

 

Voilà! Ils sont repartis, chacun à son affaire, et je reprends mon papier et ma plume. Avant de retourner à mon récit, j’ai complété cette carte que j’insère ici. C’est une copie de celle que j’ai acquise l’an dernier, gracieuseté du maître d’hydrographie de Québec. J’y ai indiqué le trajet que nous avons suivi de Kaskaskia à l’Île d’Orléans.

J’en étais à la dernière étape de notre voyage. Nous avons passé deux jours à Montréal, où nous avons assisté aux obsèques de celui qui avait perdu la vie en route. Ensuite, nous nous sommes embarqués pour Québec sur une barge qui s’y rendait en faisant escale à Trois Rivière. À cet endroit, Papa fit son possible pour retrouver la parenté de ma mère. Ma grand-mère maternelle était une Algonquine de cette région. En l651, les Iroquois avaient tué ou dispersé tous les membres de sa famille. C’est en vain que Papa essaya de trouver quelqu’un qui aurait pu être notre parent.

Enfin, arriva la dernière étape de notre voyage. En approchant du lieu que mon père avait quitté en 1683, l’excitation, beaucoup plus que la fatigue, s’emparait de nous. Le voyage était devenu notre mode de vie. Pierre s’enthousiasmait pour toutes les nouveautés, qui lui apparaissaient comme des merveilles. La milice, qu’il avait vue et dont il avait entendu la musique à Montréal et à Trois Rivières, l’avait ébloui. La parade de tous ces soldats en uniforme, avec leurs tambours et trompettes, avait tenu son imagination captive jusqu’au moment de notre arrivée. Quant à moi, j’avoue qu’il y avait en moi un bon mélange d’appréhension et d’exaltation. Ce pays était vibrant de vie, mais étrange aussi. J’avais bien hâte de connaître la parenté de mon père, mais je connaissais à peine leur langue. Et, encore plus que tout cela, j’étais affectée par le silence soucieux de Papa. Il nous dit seulement, sans révéler ses sentiments, qu’il se demandait si ses parents étaient encore vivants; Il se demandait, aussi, où étaient ses frères et ses sœurs, et de plus, s’ils étaient tous encore vivants?

Je devine, aujourd’hui, ce qui se passait dans sa tête. Le temps avait sûrement produit son effet: il aurait fait vieillir ses parents, il aurait conduit ses frères et sœurs à l’âge adulte et les aurait dispersés, il aurait amené dans le monde toute une génération de neveux et de nièces – en fait, il aurait fait de sa famille des étrangers. Tout cela, il le savait bien, mais malgré tout, il avait de la difficulté à ne pas imaginer les choses telles qu’elles étaient dans sa jeunesse. Il appréhendait, j’en suis certaine, le choc de la réalité. Cette réalité allait saccager tout ce que sa mémoire avait précieusement conservé. Le temps qui bâtit en détruisant, allait, à coup sûr, ajouter de l’amertume à la joie des retrouvailles. Les disparus que le temps avait emportés à loisir allaient tous mourir pour lui d’un seul coup. Je suis certaine que tout cela l’inquiétait.

Enfin, nous voilà au pied du cap Diamant! Je n’en revenais pas!... Pierre non plus! Qui pourrait s’imaginer la majesté de la ville de Québec avant de la voir? Du moins, comment nous, élevés dans les bois, pouvions-nous l’imaginer? Il est vrai que, ce soir-là, sa gloire était rehaussée par les riches reflets d’un soleil de septembre à son déclin. Ses rayons obliques éclairaient les ailes du moulin, rebondissaient sur les quatre clochers de la haute ville, et s’amusaient, semblait-il, à jouer à cache-cache avec les ombres de la falaise. Il se peut que l’émotion que nous ressentions déjà nous rendait plus sensible à l’éclat de cette première rencontre avec le site imposant de Québec. Il n’en reste pas moins que cette image demeure une des plus belles que j’aie emmagasinées dans ma mémoire.
 

 

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Au sujet de l'auteur      Biographie      Coordonnée    

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L'auteur est né au Québec le 13 octobre 1940. Sa famille déménagea en Alberta, dans la région de la Rivière-à-la-paix, en 1949, et c'est dans ce coin du pays qu'il vécut sa jeunesse. Il y fit aussi ses études jusqu'à l'obtention de son premier diplôme universitaire (Bachelor of Education, University of Alberta). Par la suite il a suivi des cours à l'Université d'Ottawa, l'Université de Sherbrooke, l'Université Saint-Paul, où il a obtenu un diplôme en théologie, et à l'Université Laval, où il devra bientôt soutenir sa thèse de doctorat en philosophie.

Ayant épousé une anglophone et œuvrant depuis plusieurs années dans un milieu où la langue maternelle était le cri et la langue seconde l'anglais, il entreprit, dès 1991, de parfaire son français en composant des oeuvres de fiction. Le résultat fut une série de quatre romans à thème historique, religieux et politique.

La vie a fourni à l'auteur une ample expérience dans laquelle il puise la matière de ses romans. Il a travaillé dans les chantiers de la forêt et de la construction ; il a été cheminot, éducateur et homme d'Église (diacre permanent). Pendant 6 années il a travaillé à plein temps avec les Pèlerins de saint-Michel, parcourant les routes du Québec, de l'Ontario et des Maritimes pour aller visiter les gens chez eux. Il a fait l'un des grands pèlerinages à pied de l'Europe. De plus, ayant côtoyé les Amérindiens dans leur milieu pendant 25 ans, il sait donner une authenticité à leur présence dans ses romans.

 

 

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Jeanne ZHAU se fera un plaisir de lire

et de répondre personnellement à vos courriels.

 

Adresse de correspondance électronique :

 

janna_zh@hotmail.com

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lettre d'appui de l'auteur à la fondation

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Bonjour,

 

Je supporte la Fondation parce qu'elle semble permettre aux auteurs, tels que moi-même, de publier leurs oeuvres, sous une forme ou une autre, alors qu'il ne pourraient le faire autrement. Il est normal que les éditeurs ordinaires visent la rentabilité - ce que leurs méthodes traditionnelles ne permettent pas lorsqu'il s'agit de publier des oeuvres qui sont excellentes, mais qui ne sont pas dans le courant de la culture actuelle. Mon expérience démontre ce fait:

 

Dans les années 80, j'ai créé quatre romans dans le but de perfectionner mon français. (J'ai fait mes études en Alberta jusqu'à la fin du premier cycle universitaire. La maîtrise et le doctorat à l'Université Laval m'ont permis, ces dernières années, d'améliorer encore davantage ma lange maternelle Cependant, je demeure toujours dans un milieu anglophone et mon épouse ne parle que très peu le français.) Ces romans sont d'inspiration historico-religieuse et politico-religieuse, ce qui répugne à bien des éditeurs. Cependant, un ami amateur de romans qui a longtemps enseigné la littérature au niveau secondaire ( il est aussi éditeur à son propre compte: Capax Dei) a lu ces romans et m'a fortement encouragé à les publier - une initiative qu'il avait entreprise lui-même en commençant par le moins volumineux qu'il a lui-même intitulé Katri et le curé de Sainte-Anne. Comme il était surchargé par ses propres projets, il a remis le roman entre les mains des Éditions David. Le titre paru dans Romans d'automne (ou quelque chose de semblable) dans une édition du Devoir du mois d'août, 2003. Or, mon roman n'est toujours pas publié et demeure sur la liste des titres à paraître des Éditons David. L'ami, Albert Lozier, est en train de faire une relecture du roman et j'aimerais, ensuite, vous le soumettre.

 

Ma fille a placé mon premier roman, Le triomphe de Melki Zédec, dans un site internet:

http://www.geocities.com/melchi_zedec2002/index.html

 

M. Gerard Langlois, journaliste et écrivain (Il a aussi dirigé la création d'un dictionnaire:Le petit Guérin express.) avait entrepris de le corriger et de le faire publier, mais la mort l'a surpris avant la fin du projet.

 

J'ai fait une première démarche auprès des Éditions Continentales / Continental Publishing en vu de publier mon troisième roman, Le rachat d'Ingeborg, mais les moyens financiers me manquaient. Voici l'évaluation qu'on m'en a fait:

 

Commentaires du comité de lecture

Le rachat d'Ingebord
Jean-Nil Chabot
Commentaires généraux
 

Ouvrage d'une grande richesse culturelle sans dépasser les bornes acceptables pour un roman. Descriptions des décors amenés intelligemment avec subtilité, dans une bonne cadence qui s'amplifie au cours des chapitres.

L'ouvrage aborde des questions sociales d'une époque lointaine, qui pour autant ne sont pas étrangères à la société contemporaine, d'où l'intérêt de publier cette oeuvre.

Écriture logique, style constant. Évènements bien synchronisés.

Roman très visuel: le lecteur suit naturellement les personnages dans leur milieu, autant dans leur maison, dans leur église, dans leurs campagnes et dans leurs villes.

Intrigue bien développée, bien qu'un peu lente. Par contre, ce tempo est nécessaire pour établir les fondements de l'histoire, les décors et les moeurs d'époque.

 

 

Suggestions du comité de lecture

La contextualisation de cet ouvrage serait importante afin d'en faire une promotion appropriée: une courte présentation ou mise en situation serait judicieuse.

Une brève réécriture de certains passages, rien de majeur, sera probablement suggérée à la révision linguistique.

Nous suggérons à l'auteur de poursuivre son oeuvre à travers le temps afin de développer une saga historique. Nous soulignons également que ce roman ferait également un excellent roman jeunesse historique, pour adolescents et adolescentes.

Nous recommandons l'intégration de cet ouvrage la collection Roman historique puisqu'il s'inscrit dans une catégorie bien particulière.

 

 

* * *

 

 

Dès que le temps me le permettra, je ferai la révision de ma dernière oeuvre que j'intitule M. Ancor.

 

La fondation... me donne l'espoir de voir ces ouvrages offert au public. J'ai fait connaître votre site à l'ami Albert et il trouve le projet très intéressant.



Jean-Nil Chabot, Barry's Bay, Ontario, Canada.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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