AVANT-PROPOS
Nous sommes au premier janvier 2015. Partout en ce début d’année jaillit
l’espoir d’une vie heureuse. Bonne et heureuse année, se souhaite-t-on à
satiété. Certains sont heureux ou croient l’être, d’autres malheureux: une
naissance pour l’un ou l’une, l’accession à un poste convoité pour l’autre,
une noce ou à l’inverse un divorce qui chemine mal, un licenciement, un
fâcheux accident de voiture, un cancer en rémission.
Mais les moments de joie et les calamités personnelles particulières ainsi
énumérées qui assaillent les humains sont anecdotiques et passagers. Si un
jour ou l’autre les humains en sont tous touchés, même ceux qui habitent les
pays inscrits au palmarès des gens heureux, c’est sur les causes profondes
d’un autre ordre que je veux discourir, qui engendrent de façon plus durable
le malheur ou le bonheur des humains.
Vient d’abord à l’esprit le fouillis généré par les humains dans leurs
relations les uns avec les autres, comme si c’était naturel de ne pas
s’entendre avec son prochain. Si le problème est génétique il est insoluble.
L’homme serait condamné à s’autodétruire sans qu’il ne puisse jamais exercer
une quelconque influence sur son espèce pour contrer cette haine du prochain
à laquelle il est prédestiné.
S’il s’agit de cupidité causant les inégalités sociales intolérables que
nous observons tout autour de la planète entraînant à tour de bras les
conflits et la violence, ou si encore ce sont les idéologies radicales qui
sont à l’œuvre, religieuses ou autres, alors les travers sont d’invention
humaine et peuvent être réparés.
Il y a aussi les ravages que nous faisons subir à notre environnement avec
comme résultat un monde qui s’en porte si mal qu’il disparaîtra beaucoup
plus tôt que prévu si ses habitants ne prennent garde de le mieux soigner.
Et si du même coup ils refusent justement de promouvoir l’égalité dans le
commerce avec leurs semblables, comme le respect de leur dignité le
requiert, quels que soient leur état civil, leur statut social, leur
couleur, l’habit qu’ils portent, la religion qu’ils pratiquent ou l’identité
qu’ils réclament, nous serons tous châtiés prématurément non seulement par
cette nature revancharde à laquelle nous avons refusé d’obéir en la
saccageant impitoyablement, mais aussi par les victimes de ces institutions
économiques, politiques ou religieuses qui respectent trop peu la dignité
des humains; bref, nous serons alors à la merci des mal en point, des
laissés pour compte, trop longtemps bafoués, tellement en colère qu’un jour
ils prendront les armes. Ils y sont déjà ou s’y préparent. Les inégalités
sociales et les changements climatiques forment à eux deux la recette
infaillible pour mettre fin à l’aventure humaine.
Or nous savons d’instinct que la nature nous a fourni les outils pour nous
défendre. Ce qui nous sauvera, nous faisant sortir de notre misère, c’est
notre humanité. Elle est à portée de main et viendra en renfort pour peu que
nous lui fassions signe ; ce n’est pas la peine d’aller chercher ailleurs.
Aussi longtemps que nous misons sur notre humanité plutôt que sur les dieux
et les orthodoxies de tout acabit qui nous tendent la main faisant miroiter
le paradis, nous savons que nous ne sommes pas condamnés à subir une telle
apocalypse. Il s’agit, jeunes et vieux, de nous retrousser les manches et
nous mettre à l’œuvre.
Certains disent d’une part, que la tendance aux dérèglements climatiques est
irréversible et d’autre part que la violence des humains tient à leur nature
même qui en est une de concurrence, la palme à être remportée par le plus
fort. Plutôt qu’adhérer à leur pessimisme et puisque nous avons confiance en
l’humanité et en sa capacité de s’amender, nous réclamerons de ceux qui nous
gouvernent, sans jamais nous lasser, le respect de la nature autant que la
fin du mépris des droits et libertés fondamentales des humains, du droit à
l’égalité au premier chef, confiants que c’est à ce prix que nous mettrons
un terme à la descente aux enfers qui nous guette.
C’est en effet littéralement sauver la planète dont il s’agit, des dégâts
environnementaux d’abord, et ensuite épargner à l’humanité les carnages
inhumains et insensés de millions de décapités, de réfugiés, de victimes de
la machette, de la faim ou des sécheresses dont elle fait l’objet. Car, il
n’est plus permis d’en douter, du bien-être de la nature de concert avec
l’égalité des chances au royaume des humains, dépendra en grande partie
notre mieux-être et somme toute notre propre bonheur.
Si les problèmes ici au pays ainsi qu’au pays de nos voisins situés au sud
de nous et dans l’occident en général sont moins prononcés qu’au
Moyen-Orient, en Afrique et en Asie, ne nous en félicitons pas. Ils sont de
ce côté de l’Atlantique de même nature et participent du même illogisme
contre-productif de la gratification immédiate au détriment des autres. Au
milieu des agitations et des tractations auxquelles ils se livrent, les
humains ignorent que le bonheur les éludera toujours s’il ne provient de
l’intérieur.
S’il est vrai qu’il revient à chacun de nous qui croyons en l’humanité
malgré ses travers et ses revers, à nous qui sommes par nécessité
solidaires, tous à bord du même vaisseau, de plonger et sauver l’humanité de
la noyade, avouons sans ambages que notre bagage génétique, notre expérience
de vie, le groupe auquel nous nous référons, à eux trois nous retirent une
bonne part de notre marge de liberté. Nous n’abandonnerons pas pour autant
notre devoir de mettre à profit ce qui en reste. Notre propre bonheur est à
ce prix.