EXTRAIT
Sans l'ombre de
soi, croissance personnelle,
Francis Levasseur, Fondation littéraire
Fleur de Lys
Chapitre 1 - La liberté
Je me souviens… tout cela a débuté… il y a
si longtemps… déjà.
Nous étions au début du mois de novembre
1969. Ce soir là, la lumière de la pleine
lune brillait de toute sa splendeur. Il me
semblait ne l’avoir jamais vue aussi grande,
gracieuse et lumineuse.
J’étais seul et je marchais sur la plage au
sable fin. Je m’amusais à laisser derrière
moi, les traces de mes pieds finement
dessinées sur la grève. J’aimais me
retrouver à cet endroit lorsque je voulais
réfléchir sur ma vie, prendre des décisions
ou lorsque la tristesse envahissait mon
cœur. Dans cet espace naturel, je me sentais
libre et en sécurité.
Il était aux environs de vingt et une
heures. La température commençait à se
refroidir et les cris des goélands
résonnaient au-dessus de ma tête.
Comme d’habitude, je me suis assis sur un
rocher pour observer la mer et écouter le
chant des vagues. Je me sentais bien.
L’immensité du fleuve me rappelait mon
besoin de liberté, cette liberté qui
m’oxygénait.
Depuis mon jeune âge, je m’étais toujours
demandé ce que je pourrais découvrir sur ma
route si je partais à la dérive sur un
radeau.
J’avais cette soif de tout savoir et de tout
connaître. J’avais toujours peur de manquer
une occasion qui m’aurait permis d’apprendre
de nouvelles connaissances.
Soudain, je sentis une présence… comme si
quelqu’un m’observait. Je regardai autour de
moi.
Je remarquai que les rayons de la lune qui
se projetaient sur le sable, éclairaient de
façon très précise, un voilier blanc
d’environ quarante-cinq pieds et amarré à ma
droite. J’étais convaincu qu’il y avait une
personne debout sur la proue car je
percevais l’ombre d’une silhouette.
Était-ce un homme, une femme ou un enfant ?
De l’endroit où je me trouvais, il m’était
impossible de le déterminer.
Je trouvais la situation un peu bizarre car
les violents vents d’automne rendaient
dangereuse toute navigation sur le fleuve.
Je n’avais jamais vu ce genre d’embarcation
durant cette période de l’année.
Fidèle à moi-même, je retournai rapidement à
mes rêveries d’adolescent et j’oubliai
l’événement.
J’étais là… sur la plage. Je rêvassais à ma
vie présente et future.
Je savais que l’heure était venue de prendre
des décisions importantes sur le choix de
mes études. Ce passage entre l’enfance et
l’âge adulte me perturbait profondément et
était la source de plusieurs de mes
angoisses. Je me sentais si seul et dépourvu
face aux choix que je devais faire dans la
vie. Il me semblait ne pas être capable d’y
parvenir.
C’était l’époque où je lisais et écrivais de
la poésie. J’avais toujours un livre de
littérature à la main. J’étais un poète dans
l’âme et le théâtre me passionnait au plus
haut degré. Je passais de longues heures à
discuter de ce sujet avec mes amis : Julie,
Claudine et Christophe. Nous partagions les
mêmes passions.
Je les enviais beaucoup car ils savaient
exactement ce qu’ils allaient faire dans la
vie, sauf moi. Claudine rêvait de devenir
traductrice et Christophe, journaliste.
Quant à Julie, celle chez qui nous passions
le plus souvent notre temps, elle voulait
enseigner aux enfants.
J’aimais beaucoup me retrouver chez cette
dernière. Elle demeurait sur le bord du
fleuve dans une immense maison noire et
blanche. De grandes fenêtres éclairaient les
différentes pièces. En entrant, nous
arrivions dans un salon très chaleureux avec
un tapis tressé et déposé au centre de la
place, sur un vieux plancher de bois franc.
Le foyer de pierres grises réchauffait
constamment l’atmosphère durant les longs
hivers de neige. C’est là que j’aimais me
retrouver avec mes amis pour discuter et
transformer le monde. Derrière la maison, se
trouvaient les cuisines d’hiver et d’été où
nous pouvions voir passer les immenses
paquebots au large de la côte.
Le sous-sol, vaste mais peu profond, se
transformait en salle de spectacles lorsque
certains chansonniers étaient de passage.
C’était l’époque des « Boîtes à chansons ».
Nous passions de longues heures à les
écouter réciter, chanter et jouer de la
guitare.
Souvent, je me surprenais à me voir sur une
scène devant des milliers de gens qui
m’applaudissaient. Ces moments étaient
magiques, merveilleux, fantastiques !
Mon plus grand rêve était de devenir un
poète et un comédien. Dans mon coin de pays
et dans ces années là, un artiste était
considéré comme un marginal. Je n’étais pas
prêt à cela et je ne voulais pas décevoir
mes parents. J’avais peur que leurs attentes
soient d’un tout autre ordre.