Dans un salon funéraire, Clément,
littérateur, rencontre à tout hasard Damien, agriculteur, un ami de collège
qu’il n’a pas revu depuis plus de quarante ans. Damien lui présente André, curé
de la place. Après quelques échanges avec ce dernier, Clément mûrit un plan de
rencontres de discussion sur divers sujets.
« Sais-tu ce qui me manque le plus? Ce
sont ces discussions que tenait notre groupe des sept et dont la devise était :
« Dépasser la valeur du silence, ou se taire ».
En Méthode, les sept avaient trouvé une formule de rendez-vous de
discussion bien spéciale. Leurs échanges portaient sur des sujets que
suscitaient les maîtres ou qu'apportaient le contenu des matières scolaires
ainsi que l'actualité. […] Cette formule leur permettait de préciser leur
pensée, de dépasser le flou d’une pensée mal articulée. »
À son retour à l’Université où tous trois
enseignent, Clément fait part à Gisèle, philosophe, et à Robert, astrophysicien,
de son plan de rencontres de discussion sur divers sujets. Ils conviennent d’en
tenir une première et de se réunir dans une semaine pour aborder le sujet du
Rôle de l’Homme dans l’Univers.
« On sait que l’enfant qui naît de la
fusion du génome de la femme et du génome de l’homme est un nouvel être unique
qui profite, en toute liberté de hasard, de la diversité génétique inscrit dans
les gènes du patrimoine humain transmis par les deux parents. L'enfant qui
naîtrait par clonage ne participerait pas à cette liberté mais partagerait avec
son vieux jumeau les propriétés de ses gènes déjà à l’œuvre dans son corps, dont
celles de la dégénérescence.
- Une affaire en or pour les psychiatres.
Imagine un seul instant, Gisèle, que je sois ton père, et, Robert, que tu sois
mon clone.
- Pauvre de moi, s’exclame Robert!
- Tu serais, Robert, à la fois mon fils
et mon frère jumeau, le frère et l’oncle de Gisèle.
- N’en ajoute pas tant. Je serais déjà un monstre par le seul fait
d’être ton clone. Sous le couvert de la plaisanterie, nous soulevons ici un
grave problème non seulement d’identité mais aussi d’assujettissement. »
Clément partage un souper chez lui avec
Damien et André. Ils abordent le sujet de la religion.
« Ne trouvez-vous pas que l'Église
catholique, par la réflexion ou par la force des événements, est en train de se
départir, dans son rôle, de tout ce qui est stérilisant au profit du message
d'amour universel de Jésus, demande André? […]L'activité spirituelle, poursuit
Damien, que Jésus a déclenchée a imprégné diverses parties de la planète, de même
que l’a fait celle d'autres maîtres, tels que Confucius, Bouddha ou Mahomet. Et
que dire de tous ces philosophes, écrivains, théologiens, scientifiques,
gouvernants ou simples citoyens du monde qui ont aussi permis d'alimenter la
pensée et d’influencer le comportement des peuples de la Terre? La spiritualité
intrinsèque de chaque être humain peut très bien s'abreuver à ces diverses
sources, sans distinction de provenance.
Autant dire que la religion catholique et
toutes les autres sont en train de faire place à une religion planétaire au lieu
de se limiter à la doctrine de l'une d'elles en particulier, de faire observer
André. »
À la demande de Clément, Damien a organisé
une rencontre avec Diane, députée. Les sujets de discussion portent sur le
Politique.
« Mais vous n’êtes pas le Politique, madame la politicienne. Vous ne
faites que l’incarner avec nous deux, table Clément. Le Politique habite chaque
citoyen désireux de prendre en main sa condition d’être humain vivant en
synergie non seulement avec ses semblables mais aussi avec tous les autres êtres
vivants ou les substances énergétiques que produit notre planète en osmose avec
tout le reste de l’Univers. Il est au dessus de tout ce qui peut diviser ou
exclure, de toute idéologie philosophique, religieuse, totalitaire ou partisane,
de l’intérêt égoïste ou de la collusion avec des groupes d’intérêt. Le Politique
ne s’accommode pas de demi-mesure. »
Clément a réussi à convaincre Michel,
psychiatre et psychanalyste, d’entamer avec lui une discussion sur divers sujets
apparentés à l’harmonie intérieure, dont celui du bonheur, avant de
passer à ceux du suicide assisté et de l’euthanasie devant
le désespoir ou la difficulté de vivre.
« Le bonheur est le reflet de l’harmonie intérieure. L’harmonie
intérieure emprunte à la sagesse véhiculée par l’Humanité et elle fait appel,
nous le disions, à la liberté personnelle de l’homme de se construire, à cette
liberté originale à la recherche sans cesse renouvelée d’un accord entre la
réalisation de soi et la conformité à l’Ordre et à la Vérité inscrits dans
l’Univers. On pourrait être tenté de substituer à cette vérité les mensonges de
l’égoïsme, de l’ignorance, du stimulant, du dérivatif d’une croyance ou du
simulacre d’une sagesse.
J’espère que le bon vin que nous sommes en train de déguster ne fait pas
partie de ces mensonges.
La recherche de la vérité s’accommode aussi des plaisirs qui l’accompagnent,
monsieur le penseur. Notre corps n’est pas qu’esprit. Il est animé par toutes
sortes d’impératifs émotionnels qui ne demandent qu’à être assouvis. Mais
beaucoup de nos émotions participent du mensonge. Il ne tient qu’à nous de les
contrôler ou de les dépasser pour mieux nous réaliser. Cette tâche relève de
l’esprit.
- Merci pour la consultation, monsieur le psychiatre.
- Elle te vaudra le coût de la bouteille de vin. Il faut bien que tu payes
pour ton petit mensonge, lui réplique Michel avec une pointe d’humour. »
Après avoir accepté les règles de discussion, Clément, Gisèle, Robert et
Michel tentent d’établir un
diagnostic sur ce que l’Humanité est aujourd’hui dans ses forces et ses
faiblesses afin de déceler l’orientation qu’elle est susceptible de prendre. On
retient alors cinq sujets pour analyser l’état de l’Humanité qui se joue
aujourd’hui chez les hommes : l’ordre mondial, la paix
mondiale, la mondialisation, la richesse face à la pauvreté,
la démocratie.
« Même si la guerre légitime peut apporter la paix, il en va autrement
de la politique militaire répressive comme cela se passe au Moyen-Orient. Un
conflit sans issue qui depuis plus de cinquante ans hante notre conscience
d’occidental soutenant une nation contre une autre pour la déposséder et
l’assujettir d’une façon qui rappelle la colonisation de jadis. Un conflit qui,
d’un côté, sème la haine, entretient l’ignorance et suscite la honte, et qui, de
l’autre, sème l’indignation, suscite la haine et engendre des gestes de
désespoir. Un conflit qui d’un côté ou de l’autre met en péril des vies et la
tranquillité de vie et empêche de voir en l’autre un semblable. Un conflit qui
amène l’escalade où le tire-pois et le canon s’affrontent, où l’humiliation fait
face à l’arrogance et où une région devient le théâtre représentatif de deux
mondes, oriental et occidental, qui s’affrontent dans le refus de compréhension
mutuelle ou le refus de reconnaissance de l’autre. Et nous, nous acceptons cet
état de chose quand nous refusons d’agir. »
Clément désire sceller les liens qui se sont établis à l’occasion des diverses
rencontres qu’il a eues au cours des deux derniers mois. La rencontre des
sept va le lui permettre. Mais il tient à laisser à chacun un message.
Message à l’astrophysicien : « Pourra-t-on continuer à détériorer notre
Planète en l’éventrant pour en extraire son énergie fossile et l’utiliser à
outrance, en la vidant de son eau potable, en épuisant ses réserves de pêche
maritime et en détruisant ses forêts de façon éhontée? Pourra-t-on continuer à
développer sans frein les ressources de la Planète, sans respect de celle-ci et
de ses habitants, sans tenir compte des dommages irréversibles qu’on lui fait
subir, dont celui de son réchauffement qui ne cesse d’augmenter et de provoquer
des catastrophes qui ne font que commencer?
Comment arriver à mobiliser la sagesse que recèle notre Humanité, comment
mobiliser tous les peuples de la Terre à se conformer aux règles de la Nature
qui, même si elle leur permet de faire en accéléré ce qu’elle a entrepris depuis
toujours, restera dotée de la Force
universelle qui la sous-tend et se chargera de rétablir l’Ordre, même au prix de
l’Humanité? »
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