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Mes cinq ans à la Légion

Jean-Cléophas Pépin

Légionnaire au 4e Régiment Étranger d’infanterie de 1923 à 1928

Édition révisée et commentée par

Pierre Bonin et Carl Pépin,

Collection du domaine public de la

Fondation littéraire Fleur de Lys,

Lévis, Québec, octobre 2020, 182 pages.

ISBN 978-2-89612-595-1

Exemplaire numérique gratuit (PDF)

PRÉSENTATION

Quel fabuleux destin que celui de Jean-Cléophas Pépin, né en juillet 1900, au village de Saint-Martin, en Beauce. Sa soif d'aventures est telle qu'on le retrouve en France en 1923 alors qu’il s’enrôle dans la Légion étrangère. Dans son livre, l’auteur relate son séjour dans la Légion, depuis son enrôlement jusqu'à son départ pour le Maroc au début de 1924 avec le 3e bataillon du 4e Régiment étranger, qui opère dans les secteurs de Beni-Mellal, Ouaouizert et de Marrakech.

Pendant l'année 1924, le légionnaire Pépin participe à de nombreuses batailles contre les tribus dissidentes. Sa tenue au combat devant l'ennemi lui vaut d'être promu caporal. Pour en finir avec la guerre du Rif qui se poursuit plus au nord, des unités du 4e REI sont dépêchées en renfort pour combattre Abd el Krim avant sa reddition, en mai 1926. Des escarmouches font rage autour de Beni-Ouidanne. Lors d’une attaque contre les dissidents, Pépin est blessé et doit être évacué à l’infirmerie de Beni-Mellal. Après sa convalescence, à titre de sergent et de chef du poste d'Ifrouen, il livre avec ses hommes un ultime combat contre un ennemi supérieur en nombre.

Le sergent Pépin, à la fin de son engagement à la Légion, revient ainsi en 1928 dans sa Beauce natale. Il rapporte avec lui des souvenirs impérissables de son aventure marocaine dont il témoignera dans ce livre, sans oublier des décorations militaires, en guise d'un témoignage incontestable de son courage dans le feu de l'action.

Cette réédition du livre Mes cinq ans à la Légion signé par Jean-Cléophas Pépin, publié en 1932 puis en 1968, s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par la Fondation littéraire Fleur de Lys pour rendre accessibles des œuvres québécoises du domaine public. Ce projet est une initiative de Pierre Bonin, auteur de romans historiques et directeur de la Collection du domaine public de la Fondation littéraire Fleur de Lys, et de Carl Pépin, historien et petit-neveu de l'auteur Jean-Cléophas Pépin. L'œuvre originale est accompagnée de commentaires, de compléments d'information et de photographies d'époque pour aider le lecteur à mieux saisir le contexte de ce récit.

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE

NOTE DE L'ÉDITEUR

PRÉFACE

LE CONTEXTE HISTORIQUE

MES CINQ ANS À LA LÉGION

AU LECTEUR

AVANT-PROPOS

1.PREMIÈRES HEURES

2.DÉPART POUR L’ALGÉRIE

3.FUYARD

4.SOLDAT AU MAROC

5.MON PREMIER COMBAT

6.PAS DE ROMAN À LA LÉGION

7.UNE TERRIBLE EMBUSCADE

8.ABD EL KRIM SE REND

9.EN PERMISSION

10.COMMENT VIVENT LES INSOUMIS

11.ARRIVÉE AU 2E BATAILLON

12.CE QUI M’EST RESTÉ DE MES CINQ ANS

CONCLUSION

* * *

LEXIQUE

ALBUM DE PHOTOGRAPHIES D’ÉPOQUE

BIBLIOGRAPHIE ET FILMOGRAPHIE

BIBLIOGRAPHIE DE CARL PÉPIN

DANS LA MÊME COLLECTION

LIVRES DE PIERRE BONIN

INFORMATIONS ADDITIONNELLES

EXTRAIT

PRÉFACE PAR CARL PÉPIN, PhD historien

En 2007, mon ami Pierre Bonin me demande de rédiger la préface de l’un de ses romans (Les captifs de Rissani), la suite de son premier roman (Le trésor du Rif) dont l’intrigue se déroule en 1927 durant la campagne de la pacification du Maroc. Un personnage important du récit est celui du sergent Tanguay, un Canadien français originaire de la Beauce qui s’engage sur un coup de tête dans un corps de l’armée française autant craint que maudit : la Légion Étrangère.

En principe, la Légion de l’époque accepte à peu près n’importe qui dans ses rangs. Elle a un besoin pressant et constant d’effectifs – de « chair à canon ». Elle constitue un fer de lance de la présence coloniale et impériale de la France dans le monde. Tanguay est l’un de ces volontaires.

Mais qui est le sergent Tanguay ? En fait, il est la représentation fictive d’un homme qui lui existe. Cet homme, un personnage en soi, est mon grand-oncle Jean-Cléophas Pépin.

Dans ce contexte, l’œuvre empreinte de fiction du sergent Tanguay se transpose à peu de choses près dans la réalité du sergent Pépin. Celle-ci s’inscrit dans un contexte historique dont le personnage central revient traumatisé des événements. Traumatisé au point où le héros sent le besoin de raconter son histoire, non point pour sa gloire personnelle – les médailles et citations de bravoure l’attestent objectivement –, mais à la fois comme lieu de mémoire et exutoire.

Pépin sert comme légionnaire au 4e Régiment Étranger d’infanterie de 1923 à 1928. Son récit s’intitule sobrement Mes cinq ans à la Légion. De son vivant, cette autobiographie fait l’objet d’une première édition en 1932, puis d’une seconde en 1968. Il meurt deux ans plus tard.

Son histoire est celle d’un soldat québécois qui vit à fond la pacification française au Maroc. D’aucuns l’ont compris, le terme pacification est en soi mensonger, au mieux ironique. Il camoufle la véritable nature de ce qu’est la présence française et européenne dans ces contrées. La pacification constitue en un long processus fait d’intrigues politiques, d’entreprises économiques et, bien entendu, de batailles. Cette pénétration française en Afrique du Nord se déroule sur plusieurs décennies, pour officiellement se terminer en 1934.

Et chaque fois que Pierre Bonin me demande de signer une préface, il m’accorde de facto sa bénédiction afin que je puisse rendre hommage à ces hommes, mais aussi à ces femmes qui se sont lancées dans cette aventure coloniale aux lendemains incertains. J’écrivais en 2007 : « On peut questionner et mettre en doute toute entreprise coloniale. À titre d’exemple, au-delà de l’appât du gain, une puissance comme la France avait-elle raison d’imposer sa force et ses valeurs sur un territoire où les habitants firent savoir, par la bouche de leurs moukhalas et les lames de leurs yatagans, qu’eux aussi avaient une identité et une culture à protéger ? » Je crois que mon grand-oncle, à sa manière – conformément aux mentalités et aux stéréotypes de son époque –, a dû se poser des questions proches des miennes.

Toutefois, la réalité rattrape rapidement le légionnaire en service. Elle est impitoyable. Par exemple, est-ce que la dureté des conditions de vie à la Légion et, plus généralement, l’environnement sociétal de l’Afrique du Nord de l’époque cadrent avec la personnalité et les valeurs de Pépin, qui débarque là-bas du fin fond de sa Beauce natale ? La réponse n’est pas simple.

Pépin est certes un aventurier né, mais je pousse une pointe à penser qu’il est spirituellement égaré. Je crois également qu’il est ce qu’on appelle alors une « forte tête ». Soyons clairs, car ce n’est guère un compliment, mais c’est le genre d’individu qu’attire la Légion.

Voyons également les choses en face : de ce que l’on peut en déduire au fil de la lecture et par les récits que j’ai entendus dans ma famille, mon grand-oncle n’en faisait qu’à sa tête et avait clairement un problème avec l’autorité. Ce qui peut paraître assez étrange pour quelqu’un qui a embrassé une longue carrière militaire.

Né en 1900 dans le village de Saint-Martin-de-Beauce, Jean-Cléophas Pépin « suivait les années », pour reprendre une expression locale. Durant la Première Guerre mondiale, à 17 ans, il s’enrôle dans le Corps expéditionnaire canadien qui combat en Europe depuis 1915. Ayant menti sur son âge – il déclare être né en 1898 –, il est aussitôt libéré en raison des pressions familiales. En 1918, il prend la route (ou fugue) vers les États-Unis. Il fait la traversée en Europe et semble avoir été blessé dans les dernières journées du conflit, au moment où les Américains enfoncent le front allemand durant la bataille de la Meuse-Argonne.

La guerre terminée, Pépin est démobilisé et rentre au Canada. Au tout début des années 1920, il s’enrôle dans le nouveau (Royal) 22e Régiment à Québec, connu du temps de la guerre sous l’appellation de 22e Bataillon (canadien-français). Or, Pépin déserte peu de temps après, probablement parce qu’il ne supporte pas la monotonie de la vie en caserne. Naturellement, la police militaire canadienne le pourchasse et il prend à nouveau la route des États-Unis, sorte de sanctuaire (nous avions encore un peu de famille là-bas).

C’est alors qu’on le retrouve en France, en 1923. Du bureau de recrutement de Lille, où il s’engage sur un coup de tête, jusqu’aux confins du Tafilalet, mon grand-oncle participe à cette œuvre de pacification et de colonisation du Maroc, alternativement dans différents bataillons du 4e Étranger. J’en déduis également que Pépin figure parmi ces rares militaires canadiens qui ont servi dans trois armées nationales différentes, savoir la canadienne (1917 ; 1939-1945), l’américaine (1918) et la française (1923-1928). D’ailleurs, je prie les lecteurs de ne pas me poser la question suivante : votre mon grand-oncle, est-il soldat ou mercenaire ?

Toujours est-il qu’une fois son service français achevé, en 1928, il revient au Canada puis se marie au début des années 1930. Lorsque débute la Seconde Guerre mondiale, Pépin réintègre l’armée – la canadienne. De toute évidence, il y a ses entrées, si bien que les autorités passent l’éponge sur son passé de déserteur, puisqu’il sert comme instructeur d’infanterie jusqu’en 1945.

Il est probable que si on lui demande quelles expériences de guerre l’ont le plus marqué, mon grand-oncle revienne sur ses années à la Légion. De ses récits, on apprendrait que la guerre du Rif a embrasé l’Afrique du Nord de 1921 à 1926 malgré qu’elle soit tombée dans l’oubli. On saurait également qu’elle signifie pour mon grand-oncle des affrontements avec les impitoyables guerriers d’Abd el Krim, chef charismatique des forces rifaines. De jour comme de nuit, ses guerriers s’en prennent aux postes avancés et isolés qu’occupent les légionnaires et les soldats de l’armée française, dans cet environnement hostile où la gestion de la chaleur, de la vermine, du sable et de la soif accapare le quotidien des belligérants entre deux combats.

En conclusion, je reviens brièvement sur les romans de Pierre Bonin, qui constituent en quelque sorte la source nous ayant motivés à publier une nouvelle édition de l’histoire de mon grand-oncle. Bonin pose sans détour la question à savoir dans son troisième roman (Abd el Krim ou l’impossible rêve) que les Rifains doivent choisir entre leurs aspirations nationales ou rester fidèle à la France. En contextualisant le problème de la sorte, Pierre Bonin raconte le Maroc et le dilemme de ses habitants. En ce sens, je maintiens ce que j’écrivais à l’époque : « C’est l’histoire d’un peuple fier de sa culture et de son identité, tout comme à son attachement aux rites de l’islam. C’est en même temps l’histoire d’un peuple ouvert sur le monde, mais qui n’aime pas s’en laisser imposer. »

J’écrivais également que Bonin était parvenu à décortiquer le Maroc non seulement comme décor, mais à la limite comme personnage, un personnage certes diffus, mais néanmoins central. Moins habile de la plume, le légionnaire Pépin tente lui aussi de décrire ce qu’il voit de la société locale. Il raconte dans ses mots ce Maroc vivant. J’interprète sa tentative analytique comme une forme d’exutoire aux traumatismes des combats, ne serait-ce que pour donner un autre sens à son expérience à la Légion.

Car quel sens donner à ce qu’il a vécu, lorsque Pépin a dû relire, bien des années plus tard, ses écrits aussi télégraphiques que glacials :

« Chef Poste Ifrouen… à Capt Commandant poste central.

Ennemis au nombre de 18… Tentés prendre poste d’assaut pendant nuit. Avons résisté énergiquement incapable de tenir plus longtemps… 10 morts… 2 blessés.

Sergent C. Pépin, Chef du poste. »

 

Carl Pépin, PhD historien, Mars 2020

LE CONTEXTE HISTORIQUE

Un bref survol de la pacification du Maroc

(1903-1934)

Par Pierre Bonin

Un pays à feu et à sang : victime de l’expansion coloniale de puissances européennes

Dès 1880, lors de la Conférence de Madrid, les pays participants : Allemagne, Angleterre, Espagne et France démontraient de l’intérêt face au Maroc. Un vaste territoire qui regorgeait de ressources naturelles pouvant enrichir leur économie respective. De nombreux ressortissants de ces pays s’installèrent au Maroc pour y développer des routes avec échanges commerciaux sous les auspices du Sultan du Maroc, Moulay Abd el Aziz. Tout Commandeur des Croyants qu’il fut et descendant du prophète Mahomet, l’autorité légitime de la dynastie de l’empire chérifien était de plus en plus contestée par des tribus berbères disséminées sur un vaste territoire aux confins de la frontière algérienne.

Des interventions militaires étrangères à partir de mai 1903

Dans la zone Nord-Est du Maroc, à proximité de la frontière algérienne près de Figuig, un djich de 150 dissidents attaque un détachement d’une compagnie montée de la Légion étrangère qui résiste vaillamment à la charge sans subir de lourdes pertes. Quelques mois plus tard, à El Moungar, une troupe formée de 3 800 rebelles tend une embuscade dans le col de Zenaga à un convoi sécurisé par la 22e compagnie de la Légion étrangère et de cavaliers spahis qui se déploient en carré de défense. Le combat est acharné et se déroule sur une journée. Une colonne de secours arrive en fin d’après-midi et réussit à dégager les assiégés. Plus de la moitié de ceux-ci ont été mis hors de combat, tués ou blessés lors de cet affrontement. L’un des premiers engagements militaires significatifs de l’armée française au Maroc.

Des incidents impliquant des civils européens dans des villes marocaines

L’année 1907 marque le début d’incidents. En effet, à Marrakech, le docteur Mauchamp est assassiné, tandis qu’à Casablanca de nombreux civils sont poursuivis et égorgés, incluant des ouvriers européens du port, par des foules fanatisées contre la présence étrangère. En mars de la même année, la marine française bombarde Casablanca et y débarque une compagnie de fusiliers pour y rétablir l’ordre face au chaos qui règne en ville. Un corps expéditionnaires constitué du 6e bataillon de la Légion étrangère arrive à Casablanca au début d’août et livre combat aux dissidents qui occupent une bonne partie de la ville et de ses alentours.

Avec l’aide de deux bataillons du 2e Régiment Étranger de la Légion arrivés en renfort au début de septembre, le 6e bataillon met en déroute les dissidents qui se sont livrés au massacre des civils européens. Dans la foulée de ces événements tragiques, la France établit en partenariat avec le Sultan un Protectorat par le traité de Fez en 1912; et le maréchal Lyautey en devient le Résident général chargé de l’administration avec les pleins pouvoirs civils et militaires qui lui sont dévolus.

Une résistance acharnée des tribus berbères face à l’occupation étrangère

De 1908 jusqu’à la fin de la Grande Guerre, on recense de nombreux affrontements sur l’ensemble du territoire marocain occupé par l’Espagne et la France. De nombreuses tribus rebelles, parfois en rivalité les unes contre les autres et en opposition avec l’autorité du Sultan, concluent des ententes tacites pour chasser les étrangers hors de leurs zones d’occupation. Une véritable guerre de guérilla s’installe dès lors et se poursuit dans les djebels, les regs et les casbahs. On dénombre de nombreuses escarmouches au passage des oueds et des cols de montagne. Les razzias se font de plus en plus nombreuses dans les oasis et les bleds, entre autres dans les secteurs sous domination française comme le Tafilalet bordant la frontière avec l’Algérie. Les garnisons éloignées les unes des autres et en nombre restreint d’effectifs à cause du conflit sur le sol européen, ne peuvent assurer aux populations locales sous leur protection, les conditions favorables à leur sécurité.

La fin de la Grande Guerre et l’insurrection dans le Rif

Dès la fin de la Première Guerre mondiale les braises de la révolte générale dans la chaîne de montagnes du Rif couvaient au sein des tribus sous domination espagnole. Le territoire du Rif longe la côte méditerranéenne face à l’Espagne et abrite des colonies et garnisons espagnoles dans les enclaves de Ceuta, Al Hoceima et Melilla.

En 1921, un leader au sein des tribus émerge et prêche un soulèvement général contre la présence coloniale espagnole. Il s’agit d’Abd el Krim qui, emprisonné par les Espagnols de 1915 à 1916, prône la constitution d’une république indépendante du Rif, détachée du royaume marocain et reconnue comme nation à part entière par la Société des Nations. Son projet galvanise la fierté des caïds locaux qui veulent se libérer définitivement du joug espagnol. Il rallie à sa cause la presque totalité des tribus du Rif et organise une armée de milliers de combattants. Ceux-ci vont livrer pendant cinq ans une lutte sans merci à l’armée espagnole d’occupation. Ces farouches guerriers remporteront ainsi des victoires décisives dont la célèbre bataille d’Annoual, infligeant alors une cuisante défaite à l’armée espagnole qui perdit près de 15 000 hommes selon certaines sources de l’époque.

Les succès militaires sur le front espagnol ont convaincu Abd el Krim et ses partisans de poursuivre le djihad et de pointer leurs armes sur les positions françaises vers le sud, au-delà de la chaîne du Rif. Après avoir réussi à s’emparer de postes fortifiés malgré une résistance opiniâtre des garnisons de tirailleurs sénégalais et de légionnaires, les rebelles ont accentué leurs avancées vers la ville impériale de Fez. Anticipant une victoire sans appel des rebelles et craignant le massacre des ressortissants européens, les gouvernements d’Espagne et de France se voient alors forcés de conclure une alliance de soutien militaire pour vaincre l’armée des dissidents rifains. Plus de 200 000 soldats rapidement mobilisés seront jetés dans la mêlée pour neutraliser les forces rebelles et traquer Abd el Krim et son carré de fidèles dans leurs derniers retranchements à Targuist le 26 mai 1926.

À la conquête d’Ouaouizert et la pacification du Grand Sud

Pendant qu’au nord du Maroc la guerre du Rif vient de débuter, l’état-major de l’armée française, à la demande du gouvernement, planifie pour le cours de l’année 1922 une opération visant à empêcher les tribus dissidentes du sud de remonter vers le nord en appui aux partisans de la guérilla rifaine. Il s’agit de descendre vers la vallée de l’oued El Abid et d’ériger à Ouaouizert un poste fortifié pour bloquer le passage aux dissidents. Le général Daugan, avec la troupe sous son commandement provenant de Tadla et de Marrakech, a pour mission de pacifier la région en obtenant la soumission des tribus.

La localité d'Ouaouizert revêt une importance stratégique. Petite bourgade de plus de 1 000 habitants, elle est la porte d’entrée du Grand Atlas et le relais des caravanes qui vont de Marrakech à la Moulouya au nord. Après d’âpres combats contre les Chleuhs, le 26 septembre 1922, le drapeau tricolore flotte sur la région pacifiée.

Toutefois, le secteur demeure toujours agité malgré la reddition de la plupart des tribus dissidentes. Ainsi, durant l’année 1924 de petits groupes de réfractaires harcèlent les unités de la Légion du 4e Régiment Étranger stationnées dans les avant-postes. On signale de nombreuses attaques auxquelles les légionnaires doivent riposter devant un ennemi supérieur en nombre.

C’est sur ce théâtre des opérations de la région d'Ouaouizert que le sergent Jean-Cléophas Pépin s’est d’abord illustré avec courage au combat. Il s’est aussi distingué lors de la guerre du Rif. Par la suite, le sergent Pépin a participé avec son régiment aux travaux de construction et d’aménagement de la route reliant Ouarzazate à Marrakech, la capitale du Sud marocain. Une tâche gigantesque accomplie dans des conditions difficiles malgré la chaleur torride, la soif, la fatigue et la présence d’insoumis rôdant à proximité.

Ce n’est qu’en 1933 dans le djebel Sagho que les derniers rebelles ont été vaincus par l’armée française, après le déploiement de ressources suffisantes en hommes et en matériel, pour casser la résistance d’un peuple fier, qui n’avait jamais accepté de se soumettre à la domination européenne.

 

Pierre Bonin, auteur

Directeur de la collection du domaine public
de la Fondation littéraire Fleur de Lys

Mars 2020

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