L’UNIVERS
Sa
nature, sa vraisemblable origine et ce qu’il est sensé, cohérent,
rationnel et même réaliste de penser de celle-ci et de ce qu’il y
avait avant
Dans ce court
texte, nous allons parler de l’Univers, l’univers astronomique, dont
les connaissances scientifiques amènent à penser qu’il n’aurait pas
toujours existé et même qu’il se serait complexifié, à la suite du
Big Bang, à partir de
choses simples, pour aboutir à ce que nous connaissons aujourd’hui.
Nous allons en parler en rapport avec ce prétendu dilemme
métaphysique : avant le multiple, ou il n’y avait rien,
ou il y avait une chose, unique, existant de toute
éternité. Notons que ce « dilemme » peut impliquer l’argument
moderne suivant, en faveur de l’existence d’un Dieu éternel : si un
jour absolument rien n’avait été, toujours rien n’aurait été; or
étant donné que l’Univers existe et qu’il a commencé à être, nous
avons toutes les raisons de croire qu’il ait été précédé d’une Chose
éternelle, que nous pouvons vraisemblablement appeler « Dieu » de ce
qu’il est vraisemblable de penser que cet Être serait la cause du
Multiple (l’Univers).
Sous l’éclairage
de la science des contingences de renforcement, appelée aussi « analyse
expérimentale du comportement », (1) nous
analyserons les mots « néant », « infini » et « éternité », (2) nous
tenterons d’apporter la conscience réfléchie de ce qu’est un
ensemble et (3) nous parlerons de l’Univers, de sa nature, de sa
vraisemblable origine et de ce qu’il est sensé, cohérent, rationnel
et même réaliste de penser d’elle et de ce qu’il y avait avant,
d’une façon permettant d’écarter le prétendu dilemme énoncé
précédemment ainsi que ses implications métaphysiques. Soulignons
que nous proposerons ici un point de vue, élaboré sous un
éclairage scientifique.
(1)
Une
analyse des mots « néant », « infini » et « éternité »
Pour un philosophe
de la science des
contingences de renforcement,
le mot « néant » sert non pas à « désigner » ou à identifier une
chose, mais à écarter la suggestion de l’existence d’un objet. Nous
pouvons analyser à peu près ainsi tous les mots ayant
approximativement les mêmes effets, comme « non-être »,
« inexistence », « rien », « vide absolu ». Par exemple, dire que
chacun des martiens de
La Guerre des mondes
de Herbert George Wells est du domaine du néant, c’est dire qu’il
n’existe pas, que « les mots qui en suggèrent l’existence n’ont
aucun référent ». Nous pouvons dire cela aussi du martien de H. G.
Wells, au sens de l’espèce des êtres décrits par cet auteur, ainsi
que de l’événement qu’est La Guerre des mondes. Dans le cadre
logique de cette fiction, nous disons certes que ces martiens, leur
espèce et La Guerre des mondes existent, mais ces « vérités » ne
sont qu’une affaire de mots, nullement d’objets existant
indépendamment de ceux-ci (et indépendamment aussi des comportements
non verbaux de tout être). En passant : la métaphysique ne tient
qu’à de telles suggestions, par des mots.
Pour sa part, le
mot « infini » semble servir à identifier une propriété. Mais les
métaphysiciens qui font penser qu’ils expriment ainsi une idée
relative à une chose disent, eux-mêmes : nul homme ne peut avoir
cette idée car elle est transcendante (échappant à toute expérience
possible). Le mot « infini » sert à écarter la suggestion de
l’existence de la fin (l’achèvement) définitive d’une chose ou de
l’accessibilité de celle-ci dans au moins une de ses limites, en
raison de l’immensité ou de l’infime petitesse de cette chose. Même
le mot « fini », qui est proche de « achevé », ne sert pas à
identifier une propriété physique; il indique la fin d’un processus
de production d’un objet, souvent en suggérant une « valeur »[1],
non pas une propriété physique.
Nous pouvons
parler à peu près ainsi du mot « éternité » défini être « un infini
temporel » dans le passé (l’éternité a parte ante) et/ou dans
l’avenir (l’éternité a parte post) dans le cadre de la
prétendue métaphysique.
(2)
Ce
qu’est un ensemble
L’homme, comme
beaucoup d’autres organismes, a appris à se comporter, en de
nombreuses occasions, d’une façon différente selon qu’il est en
présence de plusieurs objets observés ou d’un seul. Il peut même
donner des réponses différenciées à deux, à trois, à quatre objets…
Et il peut faire cela bien avant qu’un ensemble soit quelque chose
pour lui et, à plus forte raison, avant qu’il ne comprenne ce qu’il
en est de l’important aspect du monde sous lequel les différents
actes mentionnés ci-dessus sont appris.
Pour faire en
sorte qu’un enfant découvre l’objet qu’est un ensemble, la
communauté verbale peut en plus d’une occasion dire « ensemble » en
présence de plus d’un objet que celui-là perçoit et dire, par
exemple, « ce n’est pas un ensemble » devant un corps unique que cet
enfant observe. Rapidement, une importante propriété sous laquelle
il se comporte différemment, comme il est mentionné ci-dessus,
devient un objet (abstrait), à savoir le « référent » d’un mot
(comportement verbal, dit ici « abstrait »).
Techniquement
parlant, disons qu’un ensemble est une des propriétés qu’ont plus
d’un objet d’être la condition préalable d’un comportement comme
ceux en cause ci-dessus. Par exemple, le trio est la propriété que
trois objets exercent ensemble, non individuellement ou deux par
deux. Contrairement à une sensation visuelle par exemple, mais
conformément aux entités abstraites et à la majorité des concepts,
cette propriété n’est la condition spécifique d’aucune réponse non
sociale. Elle l’est du comportement social (ci-haut, le mot
« trio ») qui en fait un objet (abstrait).
Ajoutons qu’un
ensemble n’existe que lorsque ses éléments existent. Par exemple,
l’espèce humaine n’existerait plus si aucun homme n’existait, dans
l’Univers. Pour sa part,
l’ensemble des hommes dont on estime le cardinal à
peut-être 107 milliards d’individus depuis leur origine
est un objet abstrait construit, qui n’existe pas vraiment du fait
que tous ses éléments sont disparus sauf ceux qui existent
actuellement. Contrairement à ce qu’il en serait si tous ces hommes
existaient encore, nous en parlons donc en tant que les êtres réels
qui l’ont constitué, avec d’autres vivants, à différents moments de
l’Histoire, — non en tant que objet abstrait véritable. Ajoutons que
nous estimons la quantité de ces êtres, à défaut de pouvoir les
compter.
(3)
L’Univers et le dilemme « néant ou au moins un être éternel »
L’Univers est
l’ensemble des objets astronomiques, dont les connaissances
scientifiques actuelles nous incitent fortement à penser qu’ils
n’auraient pas toujours existé : avant les astres (étoiles,
planètes, météorites, etc.), il y avait, en toute apparence et
vraisemblance, des objets physiques plus simples et, avant eux, des
choses échappant peut-être à la physique même, car ne montrant
aucune régularité. Il est sensé (à distinguer de rationnel,
vraisemblable, etc.) de concevoir même, à un moment bien défini
du passé antérieur à l’apparition de l’Univers, l’existence d’un
unique objet de ce type, exerçant alors seul tout l’espace et tout
le temps véritables (comme le soi-disant Verbe biblique qui, selon
certaines interprétations,
serait à la fois la première créature ainsi que le Créateur et
Conservateur de l’Univers, ou un théorique corps noir originel,
super massif, ayant émis un énorme
rayonnement de Hawking,
tous deux ayant donc une origine et une fin, — pour le premier, non
définitive, dans chacun des moments présents).
Les propositions
suivantes « avant l’Univers, il y avait un point singulier, sans
dimensions physiques » et « l’espace et le temps sont nés
avec l’Univers » sont insensées car elles sont approximativement
équivalentes à celle-ci « avant l’univers, il y avait le néant ».
Rappelons que le mot « néant » sert à écarter la suggestion de
l’existence d’un objet, non à désigner ou à identifier une
quelconque chose, incluant, en l’occurrence, un agent ou une cause,
un matériau ou une matière, voire un lieu ou un espace, lesquels
existeraient alors ni en tant que objet abstrait (« référent » d’un
mot, vocal ou non) ni, même, en tant qu’au moins une chose qui
serait ce lieu ou cet espace. Autrement dit, ceux-ci ne seraient
alors ni une chose ni ce (un ou plusieurs objets) qui les
constitueraient! Toutefois songeons bien à ceci : dire « s’il n’y
avait absolument rien eu, pas même un espace et un temps, où et
quand l’Univers aurait-il pu apparaître? » n’interdirait
nullement de poser que l’Univers serait apparu il y a, disons, 13,7
milliards d’années dans notre passé et en un lieu du monde où on
extrapole que l’expansion de celui-ci aurait commencée à la suite du
Big Bang, et, surtout, cela pourrait suggérer, à tort, que l’espace
et le temps seraient des choses du type de celles qui existent
indépendamment des actes d’un être Évidemment, nous pouvons parler
d’un espace (un volume) ou d’un temps (une durée) en tant que ce qui
l’exerce, comme quand on dit « sphère » pour dire « chose
sphérique » ou « vingt (minutes) » pour parler d’individus en action
pendant vingt minutes.
En tant que objet
abstrait, l’Univers, l’univers astronomique, est un sous-ensemble de
l’univers des choses ayant une position indiscutable dans l’espace
et le temps (noter que cet « univers » est sans majuscule). Or cela
revient à dire qu’il y a toujours eu de telles choses (non
obligatoirement sources de régularités, même au niveau statistique),
commençant et cessant d’être (en se fractionnant de façon
destructrice, en fusionnant avec d’autres ou en se transformant
jusqu’à ne plus appartenir au type en question, etc.). Ainsi, on
écarte aussi la suggestion de l’être des métaphysiques atomes
éternels des grecs de l’Antiquité (du grec « atomos », qu’on
ne peut diviser).
* * *
Nous ne pouvons
terminer cette section sans faire trois remarques.
Considérons
d’abord cette question : de la position théorique soutenue dans ce
texte même n’apparaît-il pas encore exister au moins une chose
éternelle, à savoir cet univers? Dire que celui-ci est éternel,
c’est parler d’un grand ensemble qui n’existe, actuellement, qu’en
tant que ses éléments actuels (comme c’est le cas de l’espèce
humaine), en écartant la suggestion de l’existence d’un moment bien
défini où un premier élément de cette classe serait apparu et/ou
celle de l’existence d’un moment futur qu’il serait sensé, cohérent,
rationnel et même réaliste de considérer être celui de la fin
(l’achèvement) définitive de l’apparition de tels objets. Selon la
position scientifique soutenue dans ce texte, il faut donc penser ce
qui suit : cet univers a un nombre bien défini d’éléments, à
n’importe quel moment bien défini, et ceux-ci peuvent même être
imaginés, illogiquement il est vrai, se trouver enfermés dans, par
exemple, une immense sphère, fictive, dont nous pourrions dire « en
dehors d’elle il y a néant absolu », non pour « suggérer »
l’existence en ce lieu fictif d’une chose qui existerait
indépendamment des actes d’un quelconque être, comme il se devrait,
mais pour écarter la suggestion de l’existence d’une telle chose (en
ce lieu fictif), en laissant toute latitude pour imaginer des
sphères encore plus éloignées que la précédente de l’univers, lors
du processus, indéfini, qui est ce qui suggère l’existence d’un
« référent » au nom « l’espace infini » proposé par des
métaphysiciens.
Ensuite, songeons
bien à ceci : un penseur peut concevoir l’anéantissement de tout,
incluant de lui-même, mais ce n’est pas sensé qu’il conclue « le
résultat de cette destruction serait le néant absolu des
métaphysiciens, le pur espace, celui qui aurait pu être s’il n’y
avait pas toujours eu quelque chose ». Tous les processus de
destruction dont nous parlons vraiment produisent d’autres choses,
des résidus, etc., et ce serait aussi le cas de l’anéantissement de
tout être (incluant celui de ses éléments constitutifs). Cela est
conforme au célèbre principe de
Lavoisier. Et quoi que l’on
pense de ce principe, tout espace véritable (comme le volume
intérieur d’une sphère creuse) est un objet abstrait qui n’existe
pas sans un ou des objets ayant ce volume (par exemple, une sphère
d’une pièce ou une faite d’une demi-sphère déposée sur une autre
similaire). Autrement dit, le métaphysique postulat du néant absolu
interdit de considérer que le nom « le pur espace » désigne une
chose qui existerait indépendamment des actes d’un quelconque être
et même qu’il serve à identifier un espace véritable, c’est-à-dire
un espace qu’à tout le moins une chose constituerait.
Enfin, en
complément, posons que l’espace est l’universel ensemble construit
des objets abstraits que sont les divers volumes, et que le temps
est la dimension (l’ensemble construit)) des entités abstraites que
sont les durées, les uns et les autres n’ayant peut-être en commun
que la propriété d’être exercés par toutes les choses
(individuellement ou en groupe) dont il y a tout avantage à penser
qu’elles existent indépendamment de tout acte.
Conclusion
En toute apparence
et vraisemblance, l’Univers est un sous-ensemble de l’univers des
objets ayant une position indiscutable dans l’espace et le temps, et
cette façon sensée, cohérente, rationnelle et même réaliste de voir
les choses permet d’écarter le supposé dilemme métaphysique
mentionné initialement ainsi que toutes les propositions
métaphysiques qu’il implique.
NOTE
[1]
Pour un behavioriste radical, une valeur est une affaire de
renforcements. Comme une propriété physique, un renforcement
est une condition d’existence d’un acte « volontaire »
(comportement opérant) émis. Une propriété physique est du
domaine des facteurs environnementaux préalables au
comportement émis dont elle est une condition, alors qu’un
renforcement est du domaine des facteurs environnementaux
qui, suivant ce comportement, sont une condition de
l’existence d’un comportement ultérieur de la même classe,
un comportement produit dans de semblables circonstances,
sous ces mêmes propriétés physiques.
© 2019
Jean-Pierre Bacon