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Orthotypographie
(Volume I et II), Orthographe & Typographie
françaises
Dictionnaire raisonné, Jean-Pierre Lacroux,
2007–2009
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Les deux
couvertures sont dues à l’immense talent de
L.L. de Mars (pour les dessins)
ici
servi par une excellente maquette d’Anne
Guilleaume. |
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Note très importante
Serge-André Guay, président éditeur
Fondation littéraire Fleur de Lys
La Fondation littéraire Fleur de Lys n'est pas
l'éditeur de ce livre. Nous en faisons ici la distribution en vertu
des droits d'auteur enregistré sous la licence
Creative Commons. Nous croyons que cet ouvrage posthume de
Jean-Pierre Lacroux (1947-2002) mérite toute notre attention, celle
de nos auteurs et de quiconque souhaite améliorer son écriture et la
présentation de son manuscrit suivant des règles d'orthographe et de
typographie reconnues.
Ce dictionnaire raisonné de Jean-Pierre Lacroux est
un véritable chef-d'œuvre.
Ce livre est actuellement offert en libre
téléchargement en format PDF sur le site Internet dédié publié sous
l'adresse suivante :
http://www.orthotypographie.fr/. On y offre cet ouvrage en
quatre fichiers PDF : Volume I (A à F), Volume II (G à Z),
couverture du Volume I et couverture du volume II.
La Fondation littéraire Fleur de Lys a rassemblé les
quatre fichiers PDF offerts en un seul pour en faciliter la
distribution et le téléchargement. Nous avons aussi ajouter à ce
fichier PDF un signet à chaque partie de chacun des deux volumes et
à chacun des mots indexés dans ce dictionnaire pour en faciliter la
consultation.
Ceux et celles préférant consulter ce livre en ligne
peuvent visiter le site Internet à l'adresse suivante :
http://www.orthotypographie.fr/index.html
Félicitations à toute l'équipe d'amis de Jean-Pierre
Lacroux qui a permis la réalisation de ce livre posthume :
Jacques André, Éric Angelini, Martine
Burny, C. Marie Chevalier, Armelle Domenach, Jean Fontaine, Claire
Gaborel, Anne Guilleaume, Alain Hurtig, L.L. de Mars, Laurence
Michel, Didier Pemerle, Olivier Randier, Jean-Denis Rondinet.
Bonne lecture !
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PRÉSENTATION
Orthotypographie
(Volume I et II), Orthographe & Typographie
françaises
Dictionnaire raisonné, Jean-Pierre Lacroux,
2007–2009
Avertissement
À Éliane Lacroux, pour son soutien
indéfectible à cette folle entreprise.
Le manuscrit d’Orthotypographie,
découvert par l’un d’entre nous un an à
peine après la mort de son auteur, se
présentait comme un immense mélange de
textes achevés et d’articles à peine
rédigés, parfois squelettiques, souvent
vides ou carrément manquants. La saisie en
était par endroits hâtive, voire fautive… de
nombreuses erreurs n’avaient pas été
corrigées : Jean-Pierre Lacroux a manqué de
temps pour terminer son chef-d’œuvre.
Très vite, pourtant, un petit
groupe s’est constitué parmi ses amis pour
étudier la faisabilité d’une édition. Ce
manuscrit constituait, à nos yeux et en
dépit de tout, un trésor d’intelligence et
de savoir : un classique avant même son
achèvement. Restait à savoir sous quelle
forme le publier et à déterminer l’ampleur
des corrections et ajouts qu’il fallait, ou
non, lui apporter.
Sans doute les avis
furent-ils trop divergents et le programme
de travail trop lourd pour permettre
d’aboutir rapidement : c’est seulement
aujourd’hui, au bout de quatre années de
travail (et de débats parfois houleux),
qu’une version de l’ouvrage à peu près
satisfaisante est présentée au public.
Si aucun article n’a été
complété ni récrit, le livre a été largement
« émendé » (pour reprendre l’expression de
son auteur) : les articles vides ou trop peu
rédigés pour être publiés ont été
supprimés ; des contradictions ont été
aplanies ; certains passages factuellement
erronés ont été enlevés ; des renvois ont
été ajoutés ; quelques articles, imprécis ou
trop rapidement rédigés, ont été remaniés ;
des coquilles, fautes de saisie et citations
approximatives ont été corrigées. Enfin, la
présentation typographique d’Orthotypographie
a été entièrement refondue et harmonisée *.
Ce n’est pas faire injure mais honneur,
pensons-nous, à Jean-Pierre Lacroux et à son
enseignement, que de s’être livré à ce
travail de « mise en lisibilité » de
l’œuvre. De ce « brouillon de livre », nous
avons souhaité faire un livre de référence.
Parallèlement, pour tenter de
combler un peu les vides d’un texte inachevé
et illustrer les mille facettes de l’auteur
— dont le souci était de toujours se
remettre en question —, nous avons voulu
présenter une sélection de ses interventions
sur les différents forums Internet**
auxquels il participait, ainsi que les
remarques de ses nombreux amis (et parfois
contradicteurs). Ces passages, eux aussi
amplement corrigés et émendés, sont signalés
par une présentation typographique
particulière.
* *
*
Dans sa forme présente,
Orthotypographie reste un chantier ouvert,
qui n’a pas la prétention d’être la version
définitive d’un livre par nature inachevable. Sa
forme principale de diffusion, sur Internet,
permet d’éventuelles modifications : nous
remercions par avance les lecteurs qui voudront
bien nous signaler de possibles coquilles ou
nous faire part de leurs remarques.
Les droits moraux et financiers
d’Orthotypographie continuent
d’appartenir aux ayants droit de l’auteur et
notamment à sa famille, laquelle eut la
générosité d’autoriser la libre circulation de
cet ouvrage, son téléchargement et son
impression pour un usage personnel, à
l’exclusion de tout but commercial. Les autres
droits sont réservés.
Sa mise en vente est donc
interdite sous quelque forme que ce soit, sauf
accord explicite desdits ayants droit, bien sûr.
Jacques André, Éric Angelini, Martine Burny,
C. Marie Chevalier, Armelle Domenach, Jean
Fontaine,
Claire Gaborel, Anne Guilleaume, Alain
Hurtig,
L.L. de Mars, Laurence Michel, Didier
Pemerle,
Olivier Randier, Jean-Denis Rondinet.
* Le lecteur scrupuleux pourra
consulter le texte original sur Internet,
sur ce site principalement, et aussi à
http://listetypo.free.fr/JPL/
et
www.cetteadressecomportecinquantesignes.com.
Le groupe de travail s’est notamment
composé d’Éric Angelini, Thierry Bouche, Patrick
Cazaux, Jean Fontaine (qui a établi l’immense corpus
des débats sur Internet), Alain Hurtig, L.L. de
Mars, Didier Pemerle, Foucauld Pérotin, Olivier
Randier et Jean-Denis Rondinet. Un collectif de
correcteurs et de réviseurs du texte s’est constitué
plus tard, épaulant certains membres du groupe
originel : sont venus s’y ajouter Jacques André,
Martine Burny, C. Marie Chevalier, Armelle Domenach,
Claire Gaborel, Anne Guilleaume, Laurence Michel et
Jean Tillie, Alain Hurtig coordonnant les travaux et
assumant la responsabilité de la mise en œuvre
finale du livre. Ce collectif, au rôle déterminant,
peut être considéré comme le véritable « éditeur »
de cet ouvrage.
Toutes les personnes citées ici ont
eu, au cours de ces trois ans et demi, une place
parfois essentielle dans l’impulsion, la définition
et la mise en forme de ce livre. Certaines s’en sont
éloignées, par lassitude ou désaccord — de forme ou
de fond — avec la présente édition.
Que
toutes et tous soient néanmoins remerciés pour leur
contribution.
** La liste de ces forums
est dressée ici : on pourra retrouver dans leurs
archives en ligne, si besoin est, les originaux des
messages ici publiés.
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EXTRAIT
Orthotypographie
(Volume I et II), Orthographe & Typographie
françaises
Dictionnaire raisonné, Jean-Pierre Lacroux,
2007–2009
Avant-propos
« Les coutumes les plus absurdes, les étiquettes
les plus ridicules, sont en France et ailleurs sous
la protection de ce mot : “C’est l’usage”. »
Nicolas de CHAMFORT,
Maximes et Pensées.
« Le français n’est pas un don gratuit du libre-
échange et du laisser-aller. Il dut constamment
se défendre contre la corruption, et surtout
depuis que chacun, sous le prétexte fallacieux
qu’il sait lire, s’arroge sur le patrimoine
ancestral
tous les droits, y compris celui de le dilapider. »
René ÉTIEMBLE,
Parlez-vous franglais ?
L’accent
circonflexe d’abîme est défendu avec vigueur,
c’est bien. On dénie à nos représentants élus le
droit de régir la langue, c’est téméraire mais
compréhensible. Dans le même temps, on l’accorde à
des administrations, parfois à des institutions
internationales, qui nous enseignent comment il
convient d’abréger tel ou tel mot. Dans le même
temps, pour les toponymes et les patronymes chinois,
nos dictionnaires et nos journaux suivent les
recommandations orthographiques de Beijing (Pékin).
On en viendrait aux mains pour le ph de
nénuphar, mais on écrit indifféremment : le
Jardin des plantes (Mémento
typographique de Charles Gouriou,
le Petit Robert), le jardin des Plantes (Code
typographique de la fédération C.G.C. de la
communication) ou le Jardin des Plantes (le
Nouveau Petit Robert,
le Petit Larousse illustré).
Pour
Queneau, « l’orthographe est plus qu’une mauvaise
habitude, c’est une vanité. » Peut-être. Mézalor,
c’est une vanité sans fierté, une coquetterie
négligée.
Les
codes typographiques sont là pour recueillir les
règles de la composition typographique, mais les
codes typographiques sont comme tous les codes, ils
vieillissent. Regroupant des conventions plus ou
moins assurées et des règles pérennes (conventions
ayant eu le temps de changer de nom), ils se
décatissent au rythme des premières. Il faut dire
qu’ils ratissent large, s’intéressant aux
abréviations, aux sigles, à la coupure des mots, à
la composition des bibliographies, des dialogues,
des index et des tables des matières, à l’écriture
des chiffres arabes et romains, à celle des unités
de mesure, à l’emploi de l’italique, des grandes et
des petites capitales, à la mise en pages, à la
ponctuation, aux signes auxiliaires, aux symboles, à
la géographie, à l’histoire, à l’économie, aux
sciences physiques et naturelles, à quelques
difficultés de la langue française, etc. En
écrivant, en corrigeant ou en récrivant les textes
des autres, on les consulte parfois ; ils ont leur
place parmi les usuels, à côté et aux côtés des
grammaires et des dictionnaires de la langue.
Confronter leurs recommandations n’est guère
rassurant : si l’on éprouve un doute, c’est, sans
doute, que l’usage est flottant ; et si l’usage
flotte, les avis sont partagés. C’est agaçant. En
outre, ça fait perdre du temps.
Dès
le premier alinéa du deuxième paragraphe de
l’avant-propos, un soupçon assaille le lecteur : les
milliers de lignes qui suivent se proposent-elles de
mettre un terme au flottement de l’usage
orthotypographique ? Ou d’élaborer un nouveau code
pour ajouter au chaos ? Le propos n’a pas été de
graver des tables de la Loi — il y en a suffisamment
en circulation —, il était plus ambitieux. En tout
cas, il a exigé plus de travail…
Depuis
1637, tout le monde sait que le doute est la
meilleure méthode pour vaincre le doute. Les bons
correcteurs — ceux qui ne « savent pas tout » — la
pratiquent sans relâche. Au lieu de douter
épisodiquement, au hasard, ils doutent de toutes
leurs références, j’entends de tous leurs ouvrages
de référence : dictionnaires de la langue,
encyclopédies, grammaires, codes typographiques,
etc. Dans ce domaine, il ne faut faire a priori
confiance à personne. J’ai un beau jour entrepris de
systématiser les effets de cette circonspection.
J’en ai tiré un premier enseignement (certains
penseront qu’il n’était pas nécessaire de se donner
tant de peine pour en arriver là… j’en conviens) :
les avis divergents ne sont pas l’exception mais la
règle ; puis un deuxième, guère plus original : il
est imprudent d’obéir à un seul maître et de
privilégier les avis d’une grammaire, d’un
dictionnaire ou d’un code typographique, d’autant
que les grammairiens ne lisent guère les codes
typographiques et que les typographes ne lisent
guère les grammaires ; enfin un troisième, de la
même eau : un ton péremptoire ne suffit pas à
asseoir un usage turbulent. Récriveur par nécessité,
j’ai mis en fiches mes observations, car, s’il est
sain de remettre vingt fois l’ouvrage sur le métier,
vérifier vingt fois la même chose est une activité
peu rentable et très fastidieuse. Toutes proportions
gardées, je m’étais mis à composer un Bon Usage
orthotypographique, un Code des codes, voire un
dictionnaire de la relativité orthotypographique
générale.
Mes
petites fiches m’étaient utiles. Autant en faire
profiter les autres et gagner quelque somme, me
suis-je dit un jour. Ce n’était pas une très bonne
idée : il restait beaucoup à faire pour les rendre
présentables. Par présomption ou par lassitude, je
crois que c’est aujourd’hui fait.
Vocabulaire
À
mesure que les caractères en relief disparaissent,
l’emploi du mot typographie ne cesse de se
répandre. Dès l’origine, il a désigné deux choses,
intimement liées pendant des siècles : l’art
d’assembler les caractères (tupos > type) et
le procédé d’impression en relief. Une renaissance
de ce dernier étant improbable, il serait dommage
d’associer trop étroitement un si joli mot à des
activités désormais marginales (impression
typographique) ou de l’abandonner aux seuls
héritiers des graveurs de poinçons, des fondeurs de
caractères et des metteurs en pages (création de
caractères, « typographisme », maquette, etc.) ; il
est ici employé — ainsi que ses dérivés — dans
l’acception la plus large de composition
typographique : présentation graphique d’un texte
imprimé (par une rotative ou par une imprimante de
bureau), voire simplement composé ou affiché sur un
écran (toilé ou électronique). Les occurrences où il
convient d’entendre « typographie » — et ses dérivés
— au sens étroit (composition et impression avec des
caractères en relief) sont explicitement signalées.
(Pour ne pas accumuler des précisions et des
prudences aujourd’hui superflues, j’ai réduit encore
l’acception étroite à la seule composition
manuelle.) L’artifice élimine quelques lourdeurs et
l’emploi répétitif de « composition sur
ordinateur ». L’acception étendue engendre hélas une
autre ambiguïté : la typographie est-elle avant tout
une branche des arts graphiques ou une manifestation
particulière de l’écriture ? Un avant-propos se doit
d’éviter d’ultérieurs désappointements : quiconque
récuse la totale subordination de la typographie
française à la langue française écrite n’a pas
grand-chose à attendre des pages qui suivent. La
composition typographique n’a pas d’autre objet, pas
d’autre raison d’être, pas d’autre ambition que de
servir l’écrit, quel qu’il soit. (Cela ne réduit en
rien l’autonomie de la lettre : elle peut se balader
où elle veut, chez qui elle veut, se permettre
toutes les régressions ou toutes les audaces,
devenir image, exercice graphique, œuvre picturale,
architecturale, etc.)
Attribuant
des sens particuliers à des mots français courants
(approche, drapeau, espace, chasse, fer, graisse,
point, police, etc.), les termes typographiques sont
savoureux, et nombre d’entre eux sont encore
employés, parfois dans des acceptions nouvelles,
dont on trouvera ici quelques définitions.
« Orthotypographie »
est un beau néologisme. Sa formation, fort
différente de celle d’orthotypographia
(rareté néolatine forgée il y a quatre siècles :
ortho- + typographia = typographie
correcte) ne doit rien à la préfixation. C’est un
mot-valise subtil : ortho[graphe] + typographie. Il
est parfait pour désigner l’armada des prescriptions
à la fois orthographiques et typographiques, par
exemple celles qui concernent l’écriture des titres
d’œuvres. Il a toutefois été créé puis employé — je
ne m’en prive pas (voir plus loin : « Prolepse ») —
avec une telle largeur de vues qu’il risque de
favoriser la confusion des genres. [Il a du se
rendre a Paris] ne contient pas deux fautes de
typographie ou d’orthotypographie mais
d’orthographe, si l’on s’en tient au sens donné à ce
dernier terme dans la plupart des établissements
scolaires sérieux. Mettre dans le fourre-tout
orthotypographique l’emploi des accents comme signes
diacritiques et les finesses de la composition des
lettrines revient à vider de leur sens les deux
composants et le néologisme lui-même. La ponctuation
ressortit à l’orthotypographie, certes… mais elle
est liée plus étroitement à la syntaxe qu’à
l’orthographe. Un texte peut vivre sans abréviation,
sans petite capitale, sans italique, sans gras, il
ne peut (à l’exception de quelques exercices de
style) se passer de majuscules syntaxiques. Cette
première distinction n’est pas suffisante, et les
« menus » des logiciels sont trompeurs qui laissent
accroire que PETITES CAPITALES, italique ou
gras sont des enrichissements typographiques
de même nature, applicables à un texte dont l’« état
normal » serait standard.
La
notion d’usage — singulièrement si celui-ci est
qualifié de bon — est équivoque ; chacun se
l’approprie pour lui donner une définition de son
cru ou, plus humblement, pour rectifier ses
contours. Ici, le bon usage n’est pas celui des
écrivains mais celui des livres (de toute nature).
Les correcteurs le savent, il ne s’agit ni d’une
nuance ni d’une facétieuse subtilité ; sinon,
pourquoi diable les paierait-on ? Pour corriger des
étourderies ? Quand elles se répètent vingt fois
dans un manuscrit, on est tenté de leur donner un
autre nom. Il serait d’ailleurs bien déraisonnable
de se défier des académies et de suivre le premier
académicien venu. Les écrivains, surtout les bons,
ont tous les droits, cela n’est pas en cause. Le
livre n’est pas la Cité : quiconque connaît la règle
peut la transgresser. Cette liberté suppose que
certains prennent le risque de passer pour des pions
vétilleux, d’épouvantables donneurs de leçons,
d’ineptes donneurs d’avis. Cette conception très
étroite du bon usage fait quasiment coïncider
celui-ci avec la norme, ce qui est critiquable mais
n’est pas sans justification dans un ouvrage par
définition normatif. Encore une fois, il ne s’agit
ici ni de la syntaxe ni de l’orthographe, mais de
balivernes, telles que la ponctuation ou l’emploi
des majuscules, que la plupart des auteurs ont
toujours négligées et abandonnées avec empressement
au bas peuple des ateliers. Quelques-uns, parmi les
plus grands, ont joué sur ce terrain, brisant les
misérables barrières des codes ou chérissant à
l’extrême ces coquecigrues : de nombreux exemples
empruntés aux écrivains illustrent ici l’usage, non
parce qu’ils fondent la règle, parce qu’ils la
respectent ou la détournent. Le recours aux « bons
autheurs françois » pratiqué par Robert Estienne
était justifié en des temps où beaucoup de règles
étaient encore à naître. Aujourd’hui, il n’est ni
sain ni sage de rabaisser de grands auteurs au rang
de fournisseurs d’alibis aux médiocres. Céline a des
tics admirables !… qui deviennent… comment dire ?…
insupportables !… chez le premier rédacteur venu !…
Intégrer à la règle des manquements prémédités à la
règle réduit le champ de la liberté ; sous son air
séduisant, la citation est l’argument d’autorité par
excellence. Privilégier les illustrations
littéraires dans la description de l’usage aurait un
sens si l’essentiel des activités d’écriture avait
pour objet la production de textes littéraires.
Encore que…
Certains
mots, diversement définis par les linguistes, les
grammairiens, les lexicographes et les typographes,
exigent des précautions d’emploi. Il serait malvenu
d’ajouter au désordre : avant de préconiser une mise
en forme, je précise lourdement à quoi elle
s’applique.
La
linguistique — et toutes ses succursales — est une
des sciences humaines les plus « jargonneuses ». On
peut, selon l’humeur, le tempérament ou le temps
dont on dispose, s’en étonner, l’expliquer, en rire.
Je n’ai pas succombé à la séduction du vocabulaire
spécialisé de formation récente et j’ai tenté
d’écrire en français, c’est-à-dire sans obscurité
délibérée. Quelques termes indispensables, par
exemple autonymie, ou entrés dans l’usage
spécialisé depuis des siècles, comme apocope
ou aphérèse, ne sont pas victimes de cet
ostracisme ; toutefois, leur première occurrence
(dans un article) est généralement accompagnée d’une
« traduction ». Susciter le mépris des doctes n’est
pas une obligation ; faciliter la lecture en est
une.
Mode d’emploi.
On
consulte les « usuels » pour deux motifs : soit
vérifier dans l’urgence un fait ponctuel, par
exemple l’orthographe d’un mot, soit lire une
définition, une règle, une explication détaillée.
Les synthèses sont séduisantes mais ne favorisent
guère les consultations rapides. Aucune règle simple
n’explique la République française, le Royaume-Uni ;
l’armée française, l’Armée rouge, la place Rouge ;
l’Académie de marine, le musée de la Marine. À
l’organisation thématique en quelques grands et
longs chapitres (Majuscule, Italique,
Abréviation, etc.), j’ai associé l’ordre
alphabétique d’articles et d’articulets ; solution
arbitraire ou de facilité, peut-être, mais la
facilité est en l’espèce celle de la consultation
(élimination de quelques détours par l’index) ou de
la lecture (des arguties, parfois plaisantes mais
indésirables dans un article de synthèse, peuvent se
glisser sans honte dans un articulet consacré à un
terme précis). Toutefois, si elle favorise les
examens rapides, la multiplication des entrées peut
entraîner une surestimation de la complexité ou du
nombre des règles (pour les rédacteurs de codes,
elle a en revanche un avantage indéniable : elle
leur épargne l’élaboration nécessairement pénible
d’une théorie d’ensemble). Deux types d’articles
sont indispensables pour résoudre cette
contradiction : les uns exposent les conventions,
les avis divergents, et développent une
argumentation ; les autres, beaucoup plus brefs,
donnent une définition ou une règle sèche suivie de
quelques exemples (des renvois indiquent dans quels
articles on trouvera les explications détaillées, la
théorie, les grands principes qui régissent tant
bien que mal le système). Il va de soi qu’à
Majuscule ou à Italique sont reprises et
synthétisées des données dispersées dans des
dizaines d’articles et d’articulets… Ces répétitions
gâchent du papier mais font gagner du temps, qui
n’est pas recyclable. (Les grammairiens, dont ce
n’est pas la préoccupation principale et qui ont
l’habitude de manier des règles plus nettement
assurées, consacrent peu de place à
l’orthotypographie. L’Académie
étudie la question de l’emploi des majuscules en six
lignes,
Thimonnier en vingt-deux,
Chevalier en vingt-quatre, Grevisse et Goosse
lui accordent trois pages dans leur
Grammaire et cinq dans le
Bon Usage).
Lorsqu’une
ou des divergences existent, le signe
précède les sources qui, à mon sens, sont dans le
vrai ; le signe
,
celles qui (sur un point précis) ne devraient pas
être suivies. Le signe ± indique une incertitude (de
l’usage ou d’une source). Les
et les
sont des éléments essentiels de ce livre, sans doute
les plus utiles pour ceux qui écrivent, récrivent,
corrigent. Ils peuvent aussi intéresser ceux qui
lisent. La renommée et l’autorité présumée des
sources ne sont pas ici des critères privilégiés ;
les options retenues sont le plus souvent celles qui
respectent ou restaurent la cohérence de notre
système graphique, parfois celles qui introduisent
des nuances utiles dans la langue écrite.
L’opposition entre purisme et laxisme est ici sans
objet : des options peuvent être déclarées non
fautives mais ridicules, d’autres fautives mais
dignes d’être retenues. Certaines règles dont je
préconise le respect (momentané) pour une raison
sérieuse (usage bien établi, quasi-unanimité des
sources) ne sont pas nécessairement raisonnables.
Il
n’est pas question de distribuer des bons points,
des avertissements ou des blâmes. Je n’en ai ni le
goût, ni le droit, ni l’autorité. Le
ne signifie pas que telle ou telle source commet une
erreur : précédant les ouvrages récents, il relève
souvent un excès de précautions (forme correcte
accompagnée d’une ou de plusieurs variantes
archaïques, discutables, voire condamnables),
parfois une simple divergence d’appréciation ;
précédant les ouvrages anciens, il montre simplement
que l’usage a changé. Dans ces pages, les règles
relevant de la syntaxe ou de l’orthographe sont
rares, les coutumes abondent. À la plupart des
,
j’ai opposé des
:
non par plaisir, mais par scrupule. Les sources sont
indiquées sous une forme abrégée mais toujours
datée. Exemples :
Greffier 1898,
Larousse 1992. Le lecteur pourra ainsi
constater que certaines « nouveautés » ont déjà de
la bouteille, et que certaines « traditions » ne
méritent pas encore ce joli nom.
Relever
des divergences dans l’usage, dresser l’état des
lieux est indispensable, mais si l’on s’en tient là,
l’exercice est assez vain ; reste à s’expliquer sur
les choix opérés, non au coup par coup et en suivant
son « goût » (cela n’aurait aucun intérêt et
n’engendrerait qu’un code perturbateur
supplémentaire) mais globalement, en rappelant et
parfois en tentant de dégager les lignes de force de
la tradition typographique française. Commentaires,
arguments et indications historiques sont rares dans
les codes typographiques contemporains : la règle et
quelques exemples, voilà tout, « c’est comme ça et
pas autrement ». Ce sont des ouvrages peu volumineux
(trop pour certains, qui en donnent des versions
abrégées), faciles à consulter, sécurisants (si l’on
n’en interroge qu’un). Le problème, c’est que
l’orthotypographie s’apparente davantage à la
coutume qu’à la Loi. Le problème, c’est que le
lecteur est en droit de se poser des questions qui
n’ont rien de subsidiaire, du genre : Pourquoi
est-ce comme ça ? et depuis quand ? Les règles que
vous publiez sont-elles unanimement acceptées par
vos pairs ? (Plusieurs ouvrages échappent par nature
à cette critique, en particulier le
Lexique des règles typographiques en usage à
l’Imprimerie nationale, dont le titre est
explicite : nul n’est tenu d’expliquer ses propres
usages, dès lors qu’ils sont présentés comme tels.)
Quelques auteurs, dont les livres ne sont pas
véritablement des codes, justifient leurs choix.
Lorsque je ne partage pas leurs vues, il arrive que
je les commente, que je les critique, parfois avec
quelque rudesse ; cela exige des lignes et des
lignes qui peuvent paraître inéquitables en regard
du seul
attribué, faute de mieux, aux compilateurs muets de
la Loi ; en vérité, seule est respectable
l’argumentation résolue. Quant à la tonalité de
quelques commentaires, je m’en explique plus loin.
Appeler
systématiquement l’Académie à la barre des témoins
aurait été utile et courtois ; il a fallu y
renoncer : depuis 1935, les Immortels sont des
lexicographes plus nonchalants que jamais. Un tiers
de dictionnaire n’est pas (encore) un dictionnaire.
C’est regrettable, car le
Dictionnaire de l’Académie française,
s’il n’est pas indiscutable, est le seul à disposer
pour quelque temps encore d’un semblant de
« légitimité officieuse », d’un chouïa (mot non
enregistré par le Quai Conti) d’autorité. La langue
française écrite n’est pas régie comme le Scrabble,
les mots croisés et les concours d’orthographe. Il
est néanmoins profitable de convoquer ceux qui sont
effectivement consultés : les deux grands
dictionnaires des francophones d’aujourd’hui, le
Petit Larousse illustré et le
Petit Robert. De l’écolier confirmé à
l’écrivain débutant, la plupart des scripteurs font
de l’un ou de l’autre l’infaillible référence qui
les rassure. Certains consultent les deux ouvrages,
ce qui est très judicieux, mais n’est pas
nécessairement la thérapeutique idéale pour calmer
les tourments lexicaux. Les typographes et les
lexicographes du xixe siècle participent à la
confrontation : non pour cautionner des formes
tombées en désuétude, pour témoigner de l’ancienneté
de certains usages.
La
francophonie n’est pas la France, tout le monde s’en
félicite, et le français est riche de variantes
locales. L’orthotypographie a les siennes, en grand
nombre ; certaines sont respectables ; d’autres
sont, selon le lieu, des anglicismes ou des
germanismes typographiques : on peut le comprendre,
il n’est pas indispensable de l’admettre. Ces lignes
sont écrites à Bruxelles, capitale d’un royaume
partiellement — et de moins en moins — francophone
et d’une Europe marchande qui n’a pas d’affection
prononcée pour la langue de la République.
Les
alambics sont grisants, mais les énoncés simples.
Accompagnés de deux ou trois exceptions, ils sont à
l’évidence plus faciles à mémoriser que les
constructions contournées, condamnées à
l’inefficacité par le désir pervers de tuer les
exceptions jusqu’à la dernière. Beau programme… qui
exige cependant quelque prudence, car la
simplification systématique des « règles », a priori
séduisante, a pour premier effet de ruiner la
précision de la langue écrite. Les règles de la
composition typographique ne sont pas destinées à
faciliter la tâche ou la vie du scripteur mais
celles du lecteur. Principe bien oublié par les
néocommunicateurs, les paoïstes et beaucoup de
typographistes.
Que
l’on écrive au crayon ou que l’on frappe sur un
clavier, il est nécessaire de connaître les règles
relatives à l’emploi des majuscules. En revanche, la
maîtrise des espaces insécables semble superflue
pour les adeptes exclusifs de la mine de graphite,
du feutre mou ou du bec fendu. La matière de cet
ouvrage se répartit donc en deux catégories
d’inégale importance :
—
les règles et les usages que tout scripteur doit
connaître, car ils concernent tous les textes,
manuscrits ou composés ;
—
les règles et les usages proprement typographiques,
qui ne s’appliquent qu’aux textes imprimés ou
affichés sur un écran. Ils sont précédés du signe
¶ (pied-de-mouche).
Un
physicien a bien le droit d’écrire Ångström si ça
lui plaît, peu m’en chaut, mais personne n’a le
droit ni le pouvoir d’imposer l’emploi de ce « ° »
exotique à l’ensemble des citoyens. Je signale grâce
à d’horribles petits points noirs :
•
les usages particuliers, admissibles dans les textes
spécialisés ;
••
le bon usage ;
•••
les règles en vigueur quelle que soit la nature du
texte.
Les
« • », c’est-à-dire les « usages
particuliers », sont ici assez rares, car toute
convention particulière qui s’écarte sans réel motif
de la convention générale n’est le plus souvent que
le symptôme, au mieux, de la pédanterie, au pis, de
la nonchalance intellectuelle. Seuls sont retenus
les cas où l’application de la règle générale
engendrerait des ambiguïtés : pour la plupart, ils
ressortissent aux diverses disciplines
scientifiques.
Le
signe
précède les commentaires, les digressions, les
rappels historiques, le superflu…
La
vignette
indique les graphies ou les formes traditionnelles
dont l’incohérence doit être respectée… Elles sont
très rares, protégeons-les.
À
l’exception de rares détails purement
typographiques, aucune distinction n’est en revanche
faite entre les usages de l’édition et ceux de la
presse ; le procédé ne vise d’ordinaire qu’à
justifier de regrettables licences (dans la presse).
Il est classique de considérer que les règles
doivent s’appliquer avec une rigueur proportionnelle
au poids littéraire des textes. Erreur. Cé toul
kontrair. Moins il y a d’expression, plus la mise en
forme doit être conforme au bon usage et même à la
norme.
Je
me suis efforcé de fournir des indications relatives
à l’informatique susceptibles de convenir à tous les
utilisateurs, quel que soit leur système
d’exploitation favori. Toutefois, je ne puis exclure
qu’il faille considérer avec précaution deux ou
trois observations trop liées à ma pratique des
ordinateurs Apple Macintosh et des logiciels
suivants : Microsoft Word, Adobe Illustrator et
Pagemaker, Quark Xpress, Altsys Fontographer.
Quelles règles ?
Je
l’ai dit plus haut : élaborer un « code de plus » en
sélectionnant ici et là des bribes des « meilleures
règles » ou des usages les plus ancrés serait (ou
est) une entreprise dérisoire et sans intérêt. Les
codes ne règlent pas tout et surtout pas partout.
Que ce soit dans la presse ou dans l’édition, les
« marches », par définition particulières, sont la
véritable Loi orthotypographique. Les plus
critiquables d’entre elles trouveront toujours des
fragments de légitimité dans un ou plusieurs
« codes ».
Il
ne sert à rien d’apprendre une règle sans avoir
compris ce qui l’a motivée. Surtout si plus rien ne
la motive…
Les
choix que j’ai effectués ont été dictés par un
double souci : privilégier la précision de la langue
écrite et maintenir ou restaurer la cohérence du
système graphique. Lorsque je me suis aventuré à
préconiser des formes hérétiques, inédites ou
d’apparition récente, c’est, je le crois, après
m’être assuré que la tradition était intimement liée
aux seules contraintes techniques des anciennes
méthodes de composition ou qu’elle bridait
stupidement les possibilités offertes par les
techniques nouvelles. En revanche, j’ai respecté
comme un bien inestimable la plupart des règles
issues de la réflexion des typographes sur la langue
française écrite. Ces gens-là connaissaient leur
métier et leur langue, ils n’ont pas écrit que des
bêtises. En refusant deux conforts périlleux,
l’archaïsme corporatiste et l’oubli des maîtres,
j’ai tenté de comprendre et de faire comprendre
quelques conventions utiles et parfois belles.
Prolepse (réfutation anticipée)
Consacré
à l’orthotypographie, cet ouvrage contient bon
nombre de recommandations, de considérations,
d’exemples et même de mots-vedettes qui sont
nettement hors sujet. Si j’ai été contraint de
traiter plusieurs points qui relèvent uniquement de
la grammaire, de la lexicographie voire de la
stylistique, c’est parce qu’ils sont
traditionnellement abordés dans les codes et les
manuels de composition. Hors des règles proprement
typographiques et orthotypographiques, ces derniers
devraient se contenter de répondre aux questions qui
laissent indifférents les grammairiens et les
lexicographes, ce qui n’est certainement pas le cas
de l’accord des adjectifs de couleur ou de l’emploi
du trait d’union dans les mots composés. Hélas, tout
travail où intervient une part de compilation
implique une extension aux limites du corpus
compilé… Je m’en console faiblement en me persuadant
qu’une scolopendre vigoureuse ou quelques
saint-nectaire, qui n’ont aucune raison légitime de
figurer dans ces pages, donneront au lecteur, lors
d’une consultation motivée par un autre objet,
l’occasion de se remémorer des orthographes ou des
accords parfois malmenés.
La
publication assistée par ordinateur étant
aujourd’hui accessible à tous, j’ai cru utile de
fournir des indications et des conseils relatifs à
la mise en pages. Les graphistes et les typographes
professionnels seront sans doute agacés par ce souci
de définir ou d’expliquer des notions pour eux
élémentaires, mais parfois méconnues des
auteurs-compositeurs-maquettistes.
Je
n’ai pas toujours adopté les tours impersonnels et
le détachement recommandés dans ce genre d’ouvrage.
Cette infraction peut sembler surprenante, voire
choquante dans des pages consacrées à l’étiquette ;
il serait injuste d’y voir une provocation ou une
manifestation d’outrecuidance : dans certains cas,
une tournure familière m’a semblé le plus sûr moyen
de faire entendre que j’exprime une opinion et non
la Loi orthotypographique immanente.
On
pourra être choqué par le ton bêtement ironique de
certains passages, par la tonalité polémique de
quelques autres. Les premiers ont pour seule cause
la volonté de divertir un peu le lecteur. Se gausser
de l’Académie n’a rien de nouveau ni d’élégant ;
contredire un éminent grammairien est un plaisir
pervers ; relever les moindres erreurs dans un texte
quelconque est facile, surtout lorsque l’on a fait
de cette curieuse activité l’une de ses professions,
et l’on trouvera dans ces pages, juste retour des
choses, matière à quelques sarcasmes. Si un exemple
facétieux, une citation perfide favorisent
l’assimilation de règles indigestes, j’accepte tous
les blâmes. Les passages véritablement polémiques ne
sont pas destinés à amuser le lecteur, mais à le
mettre en garde contre des conceptions désastreuses,
en particulier lorsqu’elles sont professées avec
suffisance. J’adopte alors un ton qui n’est guère
plus estimable que celui que je dénonce : cette
contradiction-là, j’ai été incapable ou peu désireux
de la résoudre.
Il
est certes scandaleux de l’utiliser à des fins
décoratives mais je n’ai pu m’empêcher de confier à
la littérature de nos divers siècles le soin
d’agrémenter ces pages parfois pesantes : une
citation, qui n’a pas valeur d’exemple, ouvre
certains articles. Les conceptions
orthotypographiques de Rousseau n’ont jamais été
exemplaires ; je n’y vois pas un motif suffisant
pour refuser de l’inviter. (Les véritables exemples
littéraires sont pour la plupart extraits d’œuvres
françaises du
XXe
siècle.)
Beaucoup de pages pour rien ?
Il
est vrai que les fautes et les entorses au bon usage
relevées dans ces pages sont des broutilles en
regard des solécismes et des barbarismes qui souvent
les accompagnent. Les manquements à l’orthodoxie
orthotypographique ne mettent pas le français en
péril. N’est-il pas morbide d’espérer qu’un corps
prétendument affaibli par des agents pathogènes
demeure bien habillé ? Réfutons l’objection en
filant la métaphore, sinon le lieu commun :
conserver sa dignité a toujours favorisé les remises
sur pied.
La
plupart des récriveurs, des correcteurs et des
typographes ne sont ni plus paranoïaques ni plus
obtus que la plupart des linguistes ; ils ne sont
pas spécialement puristes, encore moins fixistes ou
« normolâtres » : ils savent, eux aussi, que notre
langue est vivante, qu’elle bouge encore, l’aïeule
désinvolte, et se régénère ; qu’elle évolue, danse
sur ses marges, gracieuse ou désolante ; qu’il est
absurde de vouloir la pétrifier en l’état, de lui
interdire des emprunts judicieux, des fantaisies
passagères ou durables. Une caractéristique pourtant
leur est propre : on leur demande de faire comme si
de rien n’était, on les paye pour faire respecter la
norme écrite. Faut-il s’étonner s’ils aiment qu’elle
soit périodiquement précisée ?
Distinguer
les lois (syntaxe) d’avec les coutumes
(orthotypographie) est commode, cet avant-propos
l’illustre assez, mais il convient de ne pas se
leurrer sur la pertinence de l’opposition, ce serait
imprudent. Toutes sont des conventions ; les
premières bénéficient d’un crédit plus grand ; il
n’est pas inépuisable. Le français écrit n’est pas
l’objet d’une négociation : concéder l’italique ou
quelques majuscules ne sauvera pas l’accord du
participe passé.
L’éternuement
de McLuhan n’a ébranlé aucune galaxie.
La
composition « typographique » a régné sans partage
pendant un demi-millénaire, la photocomposition
n’aura pas même vécu un demi-siècle : quelles que
soient les évolutions techniques à venir, la chaleur
du plomb n’a pas fini d’irradier la langue écrite.
Aujourd’hui, l’informatique bouleverse le monde des
arts graphiques et multiplie les possibilités de la
typographie. Naguère considérable, l’investissement
nécessaire à la création d’un poste de composition
est devenu dérisoire. C’est très réjouissant. Les
machines sont un progrès, on l’a observé il n’y a
pas si longtemps dans le domaine des transports, où
le Code de la route n’est devenu une nécessité
vitale qu’après la pose de moteurs sur les
véhicules : quand tout le monde circule vite, il
vaut mieux prendre des précautions. Quand tout le
monde écrit, pas nécessairement ; mais quand tout le
monde compose ? quand n’importe qui imprime ? Depuis
que la « typographie » est morte, les codes
typographiques sont devenus indispensables. La
publication assistée par ordinateur fait courir de
graves dangers à la langue écrite, des dangers « à
la mesure de la puissance des machines », comme
disent quelques communicateurs. Les protes et les
correcteurs étaient souvent tatillons, du moins
connaissaient-ils leur langue ; aujourd’hui nous
avons des paoïstes improvisés. Il suffit de
feuilleter les publications, les brochures, les
rapports annuels des entreprises pour constater que
certains desk-topeurs ont constamment le pied au
plancher, même dans les virages les plus serrés.
Sans risque, sauf pour le français, fracassé, et le
bon usage, à l’agonie. La chose imprimée bénéficiait
jusqu’alors d’une autorité naturelle… Il serait bon
pour la santé de la langue écrite que cet a priori
favorable disparût ou, mieux, disparaisse au plus
vite. L’industrie et le commerce ne font pas de
quartier ; inutile d’évoquer la publicité, elle se
charge de promouvoir ses petites audaces.
N’accablons
pas les amateurs. Les professionnels ont ouvert la
voie. Dans un
opuscule destiné à ses auteurs, une grande
maison d’édition (Le Seuil) écrit ceci : « Nous
avons tous [?], auteurs et éditeurs, pris l’habitude
de considérer la préparation et l’impression des
manuscrits comme des tâches un peu subalternes. Nous
avons fait confiance à une espèce devenue rare :
celle des re-lecteurs [sic], protes, etc. »
L’espèce des relecteurs n’est pas devenue rare ; en
revanche, une autre est à l’évidence très menacée,
en voie de disparition, celle des éditeurs
préoccupés de ces exigences subalternes : la
correction, savoir-vivre de la langue écrite, et…
l’impression des manuscrits. Un aveu complémentaire
vient au paragraphe suivant : « Si vous ne faites
pas ce que nous vous recommandons, quelqu’un d’autre
que vous devra s’en charger, souvent à la hâte [?],
et pas nécessairement dans le sens que vous
souhaiteriez. » C’est clair… Ainsi s’édifie
aujourd’hui l’usage. À la hâte, c’est-à-dire à
l’économie.
Les
correcteurs humains fréquentent de moins en moins le
marbre. Qu’y feraient-ils donc ? Les salles de
rédaction regorgent d’érudits, d’impeccables
stylistes et de correcteurs électroniques. Tout va
pour le mieux dans la meilleure des presses. Le
français approximatif de certains journaux a
toutefois un mérite : il clame que la quête de
l’exactitude n’est là ni une vertu ni une priorité.
Nouveauté
plus perverse, une part du terrain
orthotypographique, donc de l’écrit, est confiée à
des « gens d’image », respectables pour la plupart,
mais parfois médiocres connaisseurs de la langue et
de la typographie françaises. Quantité de subtilités
orthotypographiques sont ainsi réduites au triste
état de subtilités visuelles et, dès lors, endurent
des sévices inédits.
Nul
esprit sensé ne réclame la création d’un Service de
la répression des fautes ; la recette serait
inefficace et dangereuse. Les zéros pointés n’ont
jamais empêché les cancres individuels de se
multiplier, peinards. Une amende dérisoire (de
l’ordre du dixième de centime) pour chaque entorse
grave suffirait à ruiner une part de la presse et de
l’édition françaises, et la totalité des autres
secteurs de l’économie. En outre, la justice est de
loin l’institution la plus mal placée pour donner
des leçons de français. Enfin, au sommet de la
pyramide, la négligence est troublante. La
Délégation générale à la langue française publie des
ouvrages qui sont des gisements d’erreurs
typographiques : dans le
Dictionnaire des termes officiels de la langue
française, on cherchera en vain une capitale
accentuée, lacune surprenante dans un dictionnaire.
Le célèbre rapport du Conseil supérieur de la langue
française sur les « rectifications
de l’orthographe » a été rédigé par des experts
maîtrisant le jargon lexico-notarial mais insoucieux
de futilités telles que la ponctuation, l’emploi
pertinent de l’italique et des majuscules.
*
* *
Au
sortir d’un siècle furieux, le combat
orthotypographique n’est sans doute pas prioritaire,
mais, comme il n’y a nul risque à le mener, il ne
faut pas désespérer de voir les démagogues et les
marchands s’y associer. Ça pourrait faire du monde.
En
attendant, écoutons Chamfort et Étiemble, continuons
d’habiller la langue écrite en lui épargnant le
ridicule des guêpières et la honte du laisser-aller.
Source
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Orthotypographie (Volume I
et II), Orthographe & Typographie françaises,
Dictionnaire raisonné, Jean-Pierre Lacroux,
2007–2009
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