NOTE DE
L'AUTEUR
Pour créer
l’atmosphère particulière du monde de Jéléna, j’ai inventé un vocabulaire
spécifique aux réalités sociales et utilisé des mots du français du 19e
siècle qui n’ont plus cours aujourd’hui ou qui sont peu usités. Vous en
trouvez les définitions à la fin du livre.
Vous avez aussi un calendrier qui vous indique les saisons, très différentes
de celles que vous connaissez, et les fêtes respectées par les habitants des
Trois Vallées.
Une carte de la vallée de Flavia vous permet de suivre les déplacements des
héros.
PREMIÈRE PARTIE
Novice au
Maginum Angéla
CHAPITRE 1
Un cas
Année 864 de la
Nouvelle Ère
4
Entre-saison
— Jéléna !
Qu’est-ce que tu fais encore au lit ? lui reprochait Péanève, sa
cochambreure. Si tu n’es pas alipède, tu seras en retard à l’homélie de la
bibliothécaire Sylvana. Et c’est aujourd’hui qu’elle sélectionne des novices
pour le préstagiat.
Un long moment
de silence.
La porte
s’ouvrait.
— Jéléna !
criait encore la novice. Trousse ! Magie de cannelle !
Un flâneur
atterrissait sur son lit.
« Pourquoi
s’acharne-t-elle à me réveiller en pleine nuit ? »
— Tu ne
pourras pas dire que je n’ai pas essayé.
La porte
claquait.
« Enfin ! »
La solitude.
Elle
retrouvait cet espace-temps où elle flottait. Replongeait dans le tourbillon
magique. Suivait les traces de Zo entre les troncs centenaires. Avec
Beaupoil. Vivant. Elle lui caressait la nuque. Il tourna la tête vers elle…
« Non ! Pas ça
! C’est trop horrible ! Il y en a trop ! »
Elle devait se
sauver.
Elle avait
chaud. Et soif...
Une main
fraîche se posait sur son front.
— Péanève,
pourquoi avez-vous attendu la fin de la matinée pour me prévenir ?
La voix de la
noviciaire Katiama exprimait de l’inquiétude.
« Que
fait-elle dans ma chambre ? »
— Allez quérir
la médicomane et dites-lui que nous avons un cas.
— Un cas ?
C’est si grave ?
— Allez !
Dare-dare ! Ne clampinez pas !
La noviciaire
essayait de lui transmettre quelque chose ?
Trop loin.
« Jéléna ?
M’entendez-vous ?, insistait-elle en lui massant les mains.
Aucune
réaction possible à ce toucher. Incapable de répondre.
— Bonjour,
noviciaire Katiama.
— Ah ! Vous
voilà médicomane Géraline. Je suis très secouée. Je n’avais…
— Calmez-vous
et laissez-moi l’examiner. Ce n’est peut-être pas ce que vous pensez.
La Mage lui
apposait les mains.
— Vous avez
raison, noviciaire.
— Elle n’est
pas bien, s’enquerrait Péanève. Vous allez la soigner, n’est-ce pas ?
— Que
faites-vous encore ici ?
La médicomane
semblait impatiente.
— Allez
réfectionner avant votre classe de la relevée. Et vous Katiama, trouvez une
autre chambre à cette novice. Ma patiente doit rester seule.
« Seule... »
Oui. Ce serait
bien.
— Vous me
dérangez en pleine réfection, médicomane, se plaignait soudain la voix de l’Archimage
Guenièvre, la responsable du Maginum.
Elle était
dans sa chambre.
« Elle aussi ?
»
— J’espère que
vous avez de bonnes raisons.
— Nous avons
un cas !
« Un cas ? »
— Voyons, la
commotion magique se produit chez les garçons, pas chez les filles.
— Voyez
vous-même !
L’Archimage
l’auscultait.
« Encore ! »
— Vous disiez
vrai ! Elle est victime d’un violent bouleversement. Je vais l’appeler par
transmission.
— J’ai déjà
essayé et elle ne répond pas.
— Joignez-vous
à moi. À deux, nous serons plus fortes.
Pourquoi ne la
laissaient-elles pas dormir ? Et rêver ? Tout en couleur ! C’était si beau…
«
Allez-vous-en ! »
— Elle a bougé
la tête !
— Mais elle ne
nous entend pas, constatait l’Archimage. Reprenons.
« Oui, je vous
entends marmonner près de mon lit en pleine nuit. »
Quelques coups
sur la porte.
— Pourquoi
nous dérangez-vous, Katiama ? l’interpellait l’Archimage.
— C’est que…
J’ai trouvé une place pour la novice Péanève.
— Très bien.
Une pause ne nous fera pas de tort. Faites vite, Katiama.
— Oui,
Archimage. Novice, prenez ce dont vous avez besoin pour les prochains jours.
Un moment de
silence.
« Elles vont
partir... »
— Désirez-vous
un léger goûter et une tisane chaude ?
« Non. »
— Bonne idée,
approuvait l’Archimage Guenièvre. Vous nous les ferez porter à la hepta.
D’ici là, nous ne voulons plus être dérangées.
— Bien,
consentait Katiama. Avez-vous terminé, Péanève ? Utilisez donc votre magie
au lieu de perdre ainsi votre temps.
— J’ai fini,
noviciaire.
— Avant que
vous quittiez, Katiama, pouvez-vous me dire d’où vient notre cas ?
— De Beaufils,
Archimage.
— Son
révélateur, c’était Dalissoupove ?
— Non. Il ne
révèle plus depuis son accession au titre de Patrocineur. C’est Bralimane
qui nous l’a confiée.
— Merci.
« Elles s’en
vont. »
Elle pouvait
retrouver les merveilles qui lui avaient échappé.
— Allez vous
reposer, médicomane, ordonnait Guenièvre.
« Encore ici !
»
— Je ne veux
pas que vous soyez épuisée si un autre incident se produit au Noviciat. Je
vais passer la nuit ici. Si je ne réussis pas à capter son attention d’ici
la sexte, j’appellerai Bralimane.
Géraline
sortait sur la pointe des pieds.
« Presque
seule. C’est pas trop tôt. »
Elle
reconquérait cet ailleurs magique...
Mais pourquoi
Guenièvre avait-elle sursauté si brusquement ?
« Ah ! Il y a
quelqu’un d’autre dans ma chambre. Je le sens. »