Alignant humblement ses cheveux dorés, le soleil affublait le ciel d'une
liquette rouge au moment où de scintillantes petites lumières se parsemaient
à travers de majestueux palmiers gardiens attitrés de la cité ocre.
Cela donnait l’impression d’une rose dont le périanthe se dénudait lentement
laissant paraître ses beaux bourgeons et j’en étais si ébloui que j’en avais
le souffle coupé.
« Ô Marrakech, la rose, au sein des palmeraies », fredonnai-je le nez collé
à la vitre, une litanie des années soixante qui esquissait bien le panorama
féérique se dessinant devant mes yeux fureteurs.
Après un laborieux périple, nous étions enfin arrivés à destination, ou
presque, puisque notre vieil autocar devait encore subir un énième contrôle
de la police après celui de la gendarmerie.
Le regard inquisiteur, un officier passa entre les rangs, et procéda au
contrôle de quelques pièces d’identité avant d’autoriser le conducteur à
poursuivre son chemin.
Heureusement d’ailleurs, car je ne pouvais supporter encore d’attendre,
alors que, la grande cité impériale nous recevait dans une magnificence
indescriptible.
Semblable à une vitrine de joaillier, un beau et large boulevard tout en
lumières s’ouvrait devant nous, bardé par de gigantesques panneaux
publicitaires dont ceux bien en vue annonçant le « huitième Festival
international du Film de Marrakech ».
Un événement et une panoplie de projections tant attendus par les
cinéphiles, mais pour moi c’était beaucoup plus que cela.
En effet, ayant trop attendu, depuis le temps que j’écrivais, il était temps
de la placer, l’histoire qui me tenait le plus au cœur.
Un vœu refoulé au fin fond de mon subconscient que je voulais coûte que
coûte exaucer à travers cette grande rencontre culturelle, et cette pléiade
des cinéastes du monde était l’occasion idéale pour le faire.
Tout me paraissait mirifique, mais, ce sentiment de bonne arrivée s'estompa
dès que la large avenue très propre, céda la place à des ruelles étroites et
négligées où l'amas d’ordures ménagères remplaçait subitement les arbres
bien alignés et les arbrisseaux tout en fleur.
Les artères adjacentes n’étaient pas moins encombrées et, les charrettes et
autres motocyclettes ravisèrent aussitôt le chemin aux belles berlines,
acculant le conducteur du vieil autocar à faire preuve d'une grande adresse
et d'une fine agilité pour parvenir enfin à la gare routière de Bab
Doukkala.
Une grande agora tout embrumée où j’ai dû patienter longtemps avant de
récupérer ma valise et quitter les lieux sous les cris des graisseurs et
quémandes des mendiants.
Je m’arrêtai sous une centenaire haute arcade, le temps d’allumer une
cigarette, mais mon attention fut aussitôt attirée par l’étonnant exploit
des cyclistes et autres motoristes qui passaient dans des espaces si serrés
sans inquiéter le piéton outre mesure.
Oubliant momentanément pourquoi j’étais là, je regardais intéressé ce flux
ininterrompu qui n’avait rien à voir avec le paisible quartier, que, de ma
vie, je n'avais jamais quitté et je concédai que j'étais dans une ville bien
particulière.
Une face cachée de cette capitale du tourisme à laquelle je ne m’attendais
certainement pas, et je ressentis un petit frisson chatouiller mon dos
moite, mais, cela n’était pas suffisant pour me faire renoncer à mon projet
et que je devais entamer par la recherche d'un vieil hôtel aux entrailles de
la vieille médina.
« L’hôtel des stars », la seule pension que connaissait ma tante Fatima à
Marrakech, celle-là même où elle avait joué un rôle dans un film tourné par
des Français à la fin des années soixante du siècle dernier.
— Demande après « Mahjoub » El Marrakchi le gérant, c’est un homme bien et
qui peut beaucoup t’aider, et s’il ne se rappelle pas de moi, tu lui évoques
le film que nous avions joué ensemble, m’avait-elle conseillé, une fois
qu’elle s’était rendu compte qu’il n’y avait pas moyen de me faire revenir
sur ma décision.