«Où est passée la logique ?» À la poubelle,
tout simplement, comme un vieux manuel
scolaire. Car la logique ne tombe pas du
ciel. Il faut l’enseigner. Or, au Québec,
l’enseignement de la logique a pris le bord
lors du grand ménage de la
Révolution
tranquille au cours des années 60. Parce que
la logique alors au programme se référait à
la religion catholique, la logique est
disparue dans le tourbillon de la
modernisation, comme on jette le bébé avec
l’eau du bain. Aujourd’hui, on la cherche
partout sans succès, d’où l’urgence de
remettre en circulation LEÇONS DE LOGIQUE,
un petit manuel scolaire, purement
québécois, dont la toute première édition
remonte à 1914.
J’ai mis la main sur un exemplaire de la
huitième édition (1940) de ce petit livre
sur les rayons de la Bouquinerie du bonheur
à Lévis pour la modique somme de 1.00$ il y
a plus d’une dizaine d’années.
J’y avais tout d’abord découvert un vieux
manuel scolaire de stylistique française
dont je ne comprenais pas le retrait des
écoles. Vous savez, le genre de livre dont
on dit : «Ah ! Si j’avais eu ce manuel lors
de mes études, tout aurait été plus simple.»
La lecture de ce livre m’a fait prendre
conscience que la période dite de
Grande
noirceur, celle précédant la Révolution
tranquille, ne méritait pas sa réputation en
tous lieux et en toutes circonstances.
Personnellement, je croyais que la meilleure
connaissance devait obligatoirement dater de
l’année en cours, mis à part les Grands
classiques de la littérature. À l’époque, je
considérais les publications des années 60
comme désuètes, alors pour qui était de
celles des années précédentes, elles
demeuraient à mes yeux un simple objet de
collectionneurs.
Toujours est-il que le manuel de stylistique
française éveilla en moi un doute sur ma
perception du passé. Et avec la découverte
de LEÇONS DE LOGIQUE, les années 50
m’apparurent non plus comme un temps révolu
mais comme le meilleur aboutissement
historique de la connaissance humaine. On
retrouve, notamment mais pas exclusivement,
dans les livres scolaires de ces années-là
l’expression du savoir accumulé par l’Homme
depuis plus de 2,000 ans, un savoir en lien
avec son passé et son évolution, bref une
certaine sagesse.
Avec la Révolution tranquille, tout (ou
presque tout) fut réinventé de A à Z, comme
si rien (de bon) n’avait jamais existé
auparavant. Ainsi, les livres de
connaissances publiés depuis les années 60
se concentrent avant tout sur le présent, et
ce, dans une reformulation si audacieuse et
astucieuse du savoir qu’on a l’impression
que tout le monde avant nous s’est trompé,
que seules les découvertes du moment
comptent.
Évidemment, la quasi-haine de la religion
catholique, accusée d’avoir tenu
volontairement le bon peuple dans
l’ignorance et sous son joug moral, a joué
un rôle de premier plan dans la refonte de
la connaissance enseignée dans nos écoles.
La Révolution tranquille trouvera dans cette
véritable catharsis religieuse un moteur
essentiel à son succès.
Encore aujourd’hui, plusieurs jeunes des
années 60 et 70 vouent une haine aveugle à
la religion, voire à toute religion. J’ai eu
droit à ce commentaire de l’un d’eux à la
suite de sa lecture de LEÇONS DE LOGIQUE :
«J'ai trouvé ça d'un ennui mortel et
complètement dépassé.» Il m’a fallu une
bonne heure au téléphone pour me rendre
compte que les références de l’auteur à la
religion catholique (dont plusieurs au pape
lui-même) l’obnubilèrent à ce point qu’il
passa à côté de l’essentiel, les rouages de
la logique exposés dans ce livre.
Vous apprécierez LEÇONS DE LOGIQUES
uniquement si vous avez réglé la question de
la religion voire de la spiritualité dans
votre vie. Autrement, vos émotions,
négatives ou positives, gagneront sur la
raison.
Il faut comprendre que l’auteur de LEÇONS DE
LOGIQUE est un religieux, l’Abbé Arthur
Robert. Les références qu’il comprend le
mieux pour enseigner la logique sont donc
d’ordre religieux. Un laïc enseignerait les
mêmes leçons avec d’autres références.
Personnellement, je ne crois pas qu’il y ait
meilleures références dans l’enseignement de
la logique que sa «contrepartie»
spirituelle, comme on le fait en abordant la
raison par les émotions et vice versa.
En revanche, l’usage de telles références
exige de l’auteur un véritable tour de force
afin de ne pas être lui-même aveuglé par ses
croyances spirituelles et ses émotions. Et
dans le cas présent, on peut parler d’un
double tour de force car l’auteur est
lui-même un religieux. Mais il se consacre à
l’enseignement et un certain recul lui est
nécessaire, ce qui ne lui simplifie sûrement
pas la vie.
L’Abbé Arthur Robert a fait sa marque dans
l’enseignement de la philosophie au Québec.
«À Québec, les professeurs de philosophie de
la Faculté des Arts qui ont presque tous
(7/9) étudié en Europe sont ceux du
Séminaire de Québec ; le professorat de
Philosophie à la Faculté des Arts est
essentiellement l'affaire de Mgr O.-E.
Mathieu qui y « enseigne » durant
trente-quatre ans (1878-1911) et de l'abbé
Arthur Robert qui y « enseigne » durant
seize ans (1905-1920).» (La philosophie et
son enseignement au Québec (1665-1920) Yvan Lamonde, 1980). On doit à l’Abbé Robert une
part de l’ouverture du niveau proprement
universitaire en philosophie au Québec après
1920.
Mais ses Leçons de logiques ne sont pas
destinées aux étudiants universitaires, ni
même aux collégiens mais aux étudiants du
secondaire (Écoles Normales et Couvents) : «
Ces LEÇONS DE LOGIQUE nous tenons à le
déclarer, ne s'adressent pas aux étudiants
en philosophie dans les séminaires et, les
collèges classiques…
Le petit volume que nous présentons au
public a surtout pour but de mettre la
philosophie aristotélicienne et thomiste à
la portée des élèves des cours académiques
des Écoles Normales et des Couvents, et
aussi, de la classe instruite en général. »
Les éditeurs nous informent que le livre se
retrouve même au primaire : « Nous
remercions sincèrement les maisons
d'enseignement primaire, voire secondaire,
qui ont adopté ce petit manuel comme texte
de leur enseignement. » (Voir
l’Avertissement à la suite de
l’Avant-propos).
Pour cette réédition, le respect de la mise
en page originale et de la numérotation des
leçons, 290 au total, nous a paru utile pour
préserver la facilité de consultation de
l’ouvrage.
La Fondation littéraire Fleur de Lys aura eu
le mérite de la numérisation de cet ouvrage
et de devancer Google Livres dans sa mise à
disposition sur le web.
Bonne lecture !
Serge-André Guay, président éditeur
Fondation littéraire Fleur de Lys
20 novembre 2009