Chapitre 1
Discours fatal
C’était un superbe dimanche d’automne. La
lumière était belle, la chaleur pleinement agréable avec son fond de
fraîcheur. Les arbres étaient absolument magnifiques avec leurs
feuillages orangés, rouges et ocre. Pour leur part, les paysages
vallonneux qui entouraient le village montraient diverses nuances de
jaunes et de verts tendres. Bref, c’était l’une des deux ou trois
seules journées consécutives en cette saison des couleurs où tout
était à son mieux. Dans les jours qui avaient précédé, ce n’était
pas encore tout à fait au point et à peine quelques jours plus tard,
ce serait déjà sur le déclin.
Mais curieusement, on ne voyait aucun
homme dans les rues de St. Andrew ou aux alentours qui semblait
vouloir jouir de ce moment privilégié où la nature présente au
regard ce qu’elle a de meilleur à offrir. Ici et là, des femmes
jasaient en petits groupes de deux ou trois ou se prélassaient
individuellement au soleil pendant que d’autres se promenaient
simplement tout en profitant de la beauté du paysage. On pouvait
apercevoir également des enfants jouant dans les rues ou dans les
cours, ou pour les plus vieux, dans les champs et le marais
avoisinants. Mais pas d’hommes.
Erreur ! Il y avait un homme. Un seul.
Pressé, s’estimant visiblement en retard, il marchait à grands pas
dans la rue principale, se dirigeant vers le pub local
The
Smiling Duck.
Il n’eut pas davantage de regards vers l’enseigne installée
au-dessus de l’entrée du pub qu’il en avait eu pour le paysage qui
l’entourait tout le long du chemin qu’il avait parcouru pour arriver
au pub. Pourtant, elle valait bien un regard, cette satanée
enseigne. C’était une assez grande enseigne, rectangulaire, en bois,
prise dans un encadrement de fer forgé et sur laquelle on avait
reproduit par un quelconque procédé, la photographie d’un canard qui
souriait, juché sur une clôture de planches. Oui, visiblement, il
avait souri au photographe qui l’avait immortalisé et souriait
encore maintenant à tous ceux qui regardaient l’enseigne. Le pub
existait depuis bon nombre d’années tout comme l’enseigne, et
personne ne se rappelait avec certitude si le pub avait hérité de
son nom en raison de l’enseigne ou si l’enseigne avait été installée
là parce qu’elle illustrait bien le nom du pub. Mais, bon, tout le
monde s’entendait pour dire qu’une fois entré dans ce pub, c’était
bien la dernière chose dont on se préoccupait. En tous les cas, le
retardataire, lui, ne s’en souciait guère.
Et pourtant, un observateur qui l’aurait
suivi des yeux tout au long de son passage dans la rue principale
aurait remarqué que s’il avait été totalement indifférent à la
beauté naturelle du paysage automnal, il avait par ailleurs pris la
peine de repérer chacune des banales affiches de carton placardées
sur à peu près tous les poteaux électriques de la rue, des affiches
pourtant nettement moins attirantes que l’enseigne. Des affiches qui
présentaient toujours l’un ou l’autre des deux mêmes noms dont les
mérites étaient vantés à coup de slogans insipides et sur lesquelles
de jeunes farceurs avaient ajouté des graffitis, dont certains de
fort mauvais goût. C’était là, après tout, le triste sort de la
majorité des affiches électorales.
Une malheureuse conclusion s’imposait
quant à notre promeneur : ces pancartes électorales et les promesses
qu’elles annonçaient supplantaient pour le moment dans son esprit
les promesses colorées de la nature.
À son arrivée au pub, l’adepte de la
marche rapide prit cependant quelques secondes pour lire le petit
écriteau en carton dur, collé sur la porte, qui annonçait en toutes
lettres :
Dimanche prochain, à 14 h 30,
venez assister au débat public entre
les deux candidats à la mairie de St.
Andrew,
messieurs Irving Combs et Scott
Randlett.
Le pub The Smiling Duck offrira des
rafraîchissements
à tous les participants.
Nous vous attendons en grand nombre.
Après avoir regardé l’heure sur sa montre
de poche dont les aiguilles indiquaient 14 h 29, craché par terre et
passé sa langue sur ses lèvres, Charles Wright bomba le torse,
ouvrit allègrement la porte du pub et entra. Des cris de joie
l’accueillirent.
— Ho, ho ! Voilà t-y pas notre arbitre qui
s’pointe.
— Hé, Charlie, tu t’rappelais pas le
chemin ? Pourtant, tu viens ici tous les jours.
— Ta chaise préférée a même pris la forme
de tes grosses fesses.
Des éclats de rire fusèrent de partout.
Wright riait également. Le pub était littéralement bondé. C’est là
qu’ils se tenaient les hommes du village, en ce beau dimanche
d’octobre. Réunis en une multitude de groupes de quatre autour des
petites tables de bois du pub. Quatre hommes, huit gros bocks de
bière d’un demi-litre chacun. Il n’était pas chiche le propriétaire
du Smiling Duck lorsqu’il payait une tournée.
Il faut dire que le pub avait acquis une
renommée qui attirait une clientèle provenant de kilomètres à la
ronde. Une clientèle curieuse et disposée à boire en écoutant le
propriétaire raconter sans se faire prier la légende qui avait cours
depuis déjà longtemps et qui, d’année en année, prenait de
l’importance en détails, mais pas toujours en vraisemblance. On
prétendait que le fantôme du premier propriétaire des lieux errait
encore dans la cave du pub où le corps de ce dernier avait été
retrouvé. L’homme avait été sauvagement assassiné à la hache pour
une raison encore inconnue qui, avec le temps, avait permis
d’échafauder toutes les hypothèses allant du meurtre passionnel – sa
femme ayant eu la réputation d’avoir été plutôt ouverte d’esprit et
de jambes – jusqu’à la recherche d’un trésor toujours caché dans un
recoin du pub.
On avait donc le choix lorsque, par
certaines soirées d’hiver, les clients entendaient distinctement, en
provenance de la cave inoccupée, les lamentations exaspérantes
poussées par le fantôme, de conclure que celui-ci cherchait à
retrouver sa femme ou à récupérer son trésor. Bien sûr, personne
n’avait vu le fantôme sauf… le propriétaire actuel. Et pas qu’une
fois ! Étrangement selon certains, à chaque fois, il était seul.
Mais William O’Connell avait une explication. Avec son 1,87 mètre et
ses 115 kilos, il était le seul à pouvoir descendre à la cave,
puisqu’il l’interdisait à ses trois employées – sa femme Connie et
les jumelles Amanda et Brenda Shearing – et encore davantage à ses
clients. « Pour leur bien ! », de prétendre le propriétaire
qui ne voulait surtout pas risquer de perdre une employée qui se
retrouverait face à face avec un fantôme « avec la tête fendue
presque en deux par un coup de hache » et qui « sentait si
fort la mort qu’on étouffait presque » en le rencontrant.
Parfois même, l’odeur de la mort montait de la cave après le passage
du fantôme. Mais comme il fallait, semble-t-il, être soi-même en
odeur de sainteté pour pouvoir la percevoir, aucun client du pub
n’avait pu encore revendiquer ce privilège olfactif que détenaient
seuls, William et Connie O’Connell.
Malgré cette terrible peur et ce grand
risque pour sa vie, le propriétaire, à toutes les semaines du long
hiver, devait surmonter l’épreuve consistant à descendre à la cave
chercher les bières, les whiskies et les cognacs permettant à sa
clientèle de survivre au froid. Mais, par précaution, il apportait
toujours un gros bâton. « Quel homme ! » disaient certains.
« Quel beau menteur ! » disaient les autres. Mais tous y
trouvaient leur compte puisque les belles histoires de fantômes
attirent toujours ceux qui y croient comme ceux qui n’y croient pas…
encore.
Mais comme on n’en était qu’au début
octobre, l’hiver n’était pas installé et sans doute le fantôme
était-il en vacances car il ne faisait encore entendre aucun bruit.
Il faut dire que personne ne l’aurait entendu cet après-midi-là même
s’il avait hurlé.
Après les farces qui avaient accueilli
Charles Wright, c’était maintenant les bocks de bière qui frappaient
sur les tables en cadence pour que Wright donne le signal du début
du débat. Après avoir savouré quelque peu la scène, Wright alla se
placer au milieu de la salle et leva les bras en l’air, ce qui
déclencha les applaudissements et les sifflements. Avec ses mains,
il fit signe à la foule de se calmer et prit la parole.
— Messieurs, s’il-vous-plaît. Un peu de
silence. Le débat va commencer. J’annonce les règles. Chacun des
deux candidats aura droit à quinze minutes pour son discours, le
premier à parler étant tiré au sort. Puis, dans un deuxième temps,
vous pourrez poser des questions à l’un et l’autre en alternance
pendant un maximum d’une heure. Après cela, les candidats pourront
conclure chacun avec un petit discours de cinq minutes dans l’ordre
contraire à celui du départ. Permettez-moi, avant de céder la parole
à nos prestigieux candidats, de remercier William d’avoir permis
qu’on tienne ici même ce débat politique tout en ayant suffisamment
à boire pour maintenir l’intérêt.
Ce disant, Wright fit un salut au
propriétaire qui était derrière son comptoir. Tout en appréciant les
applaudissements et les cris d’approbation qui suivirent cet énoncé,
ce dernier lui retourna son salut en levant deux gros bocks emplis
de Bittern,
la bière locale d’un beau brun doré, faisant signe de la tête à
Wright qu’ils lui étaient destinés.
Wright invita les deux candidats à venir
le rejoindre au centre de la salle. Ceux-ci étaient assis ensemble à
une table qui faisait office de table d’honneur. Délaissant leurs
bocks de bière, les deux hommes se levèrent et entourèrent Wright.
On ne pouvait pas ne pas remarquer le contraste manifeste entre les
deux candidats. D’un côté, Irving Combs, un homme dans la seconde
partie de la soixantaine, élégant dans sa tenue un peu vieillotte,
svelte, souriant. Il était le président du club d’ornithologie de
Georgetown, la ville voisine, mais habitait depuis peu le village de
St. Andrew. Il incarnait visiblement le passé conservateur
du village. Son opposant, Scott Randlett, plutôt corpulent,
approchant la cinquantaine, un visage moins sympathique et une tenue
plus moderne, mais négligée. Originaire de Philippsburg, la
capitale, il s’était récemment installé à Georgetown et, en tant que
voyageur de commerce, estimait
représenter l’avenir progressiste. Tous deux envisageaient remplacer
le maire actuel, un vieil homme de plus de soixante-quinze ans,
maire du village depuis près de vingt ans et qui se sachant
suffisamment vieux pour savoir que la mort s’approchait de lui et
s’estimant suffisamment malade pour croire qu’elle le faisait en
courant, avait finalement choisi de ne pas se représenter.
Wright sortit une grosse pièce d’argent de
sa poche et la jeta à terre après avoir indiqué aux candidats quelle
était la face correspondant à chacun. Le hasard désigna Irving Combs
comme premier orateur. Cela fait, sans oublier d’abord de récupérer
sa pièce, Wright alla chercher des mains du propriétaire les deux
verres qui lui permettraient de « maintenir l’intérêt »
pendant la prochaine demi-heure et alla s’asseoir à la table où
s’étaient tenus les candidats. Il y fut rejoint aussitôt par
O’Connell qui apportait ses deux propres bocks et par Randlett qui
se réappropriait les siens déjà sur la table.
Dans chaque élection, qu’elle soit pour
élire le président d’une nation, le premier ministre d’un pays ou le
simple maire d’un village, on retrouve toujours, même si parfois
avec de grandes difficultés et de longues recherches, un élément
majeur qui doit provoquer le débat et faire pencher la balance vers
un des protagonistes. À St. Andrew, cet élément n’avait pas été long
à identifier puisqu’un seul point constituait l’enjeu de cette
élection : la survie du marais avoisinant le village. Un marais
connu mondialement, mais auprès des ornithologues seulement. On en
conviendra, cela limitait passablement sa renommée.
En tant que président du club
d’ornithologie, Combs souhaitait que le marais puisse être protégé
de toute transformation, car il abritait plusieurs dizaines
d’espèces d’oiseaux et attirait les ornithologues et d’autres
touristes. Les premiers y venaient principalement attirés par les
oiseaux, mais tous pour la simple beauté de l’endroit, ce qui
permettait des rentrées non négligeables d’argent au village qui en
avait bien besoin. Le marais faisait partie intégrante du paysage
entourant St. Andrew, un paysage absolument magnifique qui serait
irrémédiablement détruit si le marais devait disparaître.
Essentiellement, c’est sur cela que porta le discours d’introduction
d’Irving Combs, jouant sur la corde sensible du « patrimoine
naturel, unique, inestimable et dont tout le village est redevable
depuis des années ». Les traditionalistes et les conservateurs
applaudirent les meilleurs passages de son discours, ce qui permit
de constater qu’ils ne constituaient pas le groupe le plus important
dans la place. Puis Combs vint retrouver Wright et O’Connell à la
table d’honneur, croisant Randlett qui alla à son tour, sous un
tonnerre d’applaudissements, s’installer debout au centre de la
salle pour présenter ses arguments à un auditoire en grande partie
déjà conquis. Oui, le marais avait eu son importance et oui, le
village lui était redevable. Mais les événements survenus dans
celui-ci quelque dix-huit mois auparavant
avaient terni son image et celle du village; il représentait le
passé et non l’avenir et il était temps que les villageois de St.
Andrew « tournent la page sur leurs vieilles coutumes et
profitent enfin non pas des avantages limités d’un marais suranné,
mais des bienfaits multiples de l’ère moderne ».
Dans son discours, Randlett fut le
propagateur d’une idée récente qui proposait d’utiliser les terrains
du marais pour établir un vaste centre de villégiature et
d’affaires, ce qui aurait alors une portée touristique beaucoup plus
vaste que le simple attrait « des petits oiseaux et des belles
fleurs ». C’était là une pensée moderne, alliant l’aventure et
les rêves d’argent vite fait, qui sembla plaire à plusieurs parmi
les buveurs, dont la plupart avaient déjà renouvelé à plus d’une
reprise leur coupe-soif tout en profitant du service fait par Amanda
et Brenda Shearing pour reluquer leurs décolletés profonds. La femme
du patron, au comptoir, ne cessait de remplir les verres les uns
après les autres.
— Ce sera un excellent après-midi,
disait-elle tout bas aux jumelles lorsque ces dernières venaient
chercher les commandes. Deux orateurs et une cinquantaine de
buveurs, pardon, d’auditeurs, devrais-je dire.
— C’est tellement plus facile de
comprendre la politique en savourant une bonne bière, ne cessaient
de murmurer les jumelles Shearing à tous les hommes qu’elles
servaient en leur faisant leurs plus beaux sourires et en se
penchant stratégiquement pour favoriser le panorama.
Avec de tels arguments, plusieurs auraient
souhaité des élections toutes les semaines et n’hésitaient pas à
prétendre que les élections, à St. Andrew, étaient une affaire
sérieuse, ce qui revenait à dire une affaire d’hommes.
Les deux discours étaient terminés et la
période de questions allait bon train. Si le tout avait débuté dans
un calme relatif, les choses changèrent imperceptiblement et, sans
que l’on sache vraiment ni quand ni comment, ni surtout après
combien de bocks de bière, elles commencèrent à se gâter. Après
l’humour bon enfant, ce fut la dérision, puis la provocation. Et une
question sournoise posée à Scott Randlett mit le feu aux poudres.
Quelques-uns se levèrent pour s’enguirlander et s’injurier. En un
instant, tout le monde sans exception fut debout et on se prépara au
pire. Des chaises furent repoussées et jetées par terre. On
s’agrippa les uns aux autres, on se menaça, on se poussa, mais le
premier véritable coup de poing qui aurait fait office de
déclaration officielle de guerre ne vint pas. À la place, on
entendit un bruit du tonnerre, qui figea instantanément tout le
monde. Tous se retournèrent vers le comptoir où William O’Connell
apparut menaçant avec un gros bâton dans la main, dont il s’était
servi pour frapper sur le comptoir. Profitant du silence et de la
centaine d’yeux fixés sur lui, O’Connell prit posément la parole.
— Vous allez tous vous rasseoir dans le
calme. Si l’un de vous a l’envie de tâter de mon bâton, je peux lui
garantir qu’il deviendra le deuxième fantôme de la cave.
Curieusement, cet avertissement eut un
effet insoupçonné. Ainsi, malgré le ton intimidant, la carrure
impressionnante d’O’Connell et la mise en garde que constituait le
bâton dans la main de ce dernier, la référence au fantôme fit
qu’après quelques secondes de surprise, ce fut un éclat presque
général de rires. Mais le propriétaire du pub eut néanmoins la
satisfaction de voir les gens se conformer à sa demande. On récupéra
les chaises tombées ou simplement déplacées, on s’en retourna à sa
table et chacun reprit le bock qu’il avait abandonné quelques
instants plus tôt pour se jeter dans la mêlée. Chose amusante que
remarquèrent Amanda et Brenda qui s’étaient discrètement retirées
derrière le comptoir durant l’échauffourée, si la plupart des bocks
de bière avaient été déplacés sur les tables et perdu un peu de leur
contenu par les secousses sur celles-ci durant la bousculade, aucun
ne s’était brisé ni n’était tombé par terre.
— Il y a vraiment un dieu pour les
ivrognes, dit Brenda à sa jumelle.
— Oui, mais il ne nettoiera pas les mares
de bière à notre place, répondit Amanda. Viens m’aider à essuyer les
tables.
Les deux sœurs passèrent donc d’une table
à l’autre pour supprimer les éclaboussures pendant que tout un
chacun se remettait à jaser et à boire. L’atmosphère était de
nouveau à la fête. Seuls les invités qui étaient retournés à la
table d’honneur étaient demeurés sérieux même s’ils s’étaient eux
aussi remis à boire.
— Je suis vraiment désolé, messieurs. Je
ne pensais pas que cela se passerait ainsi, s’exprima Wright. Tout
avait si bien commencé.
— Ce n’est pas du tout votre faute,
Charlie, répondit Randlett. On ne peut pas prévoir ce genre de
choses.
— Bon sang ! Je n’en reviens pas encore,
déclara O’Connell. Ces escogriffes auraient pu mettre mon pub sens
dessus dessous. Ce n’est pas demain la veille où je leur payerai une
autre tournée.
— Ce ne sont pas vos seules offrandes,
monsieur O’Connell, qui ont suffi à provoquer cela, rétorqua à
nouveau Randlett. Vous constaterez en faisant la caisse ce soir que
plusieurs d’entre eux ont ingurgité pas mal plus que vos deux bocks
gratuits. Vous savez que l’alcool a tendance à réchauffer les
esprits. Je suis passé à deux doigts d’en recevoir cinq sur le nez
de la part du grand Cooper.
En disant cela, Randlett montra son poing
fermé pour s’assurer que tout le monde avait compris son jeu de
mots. O’Connell et Wright pouffèrent de rire. De son côté, Irving
Combs restait silencieux. Durant la bousculade, il avait eu peur et
était encore en train de se remettre de ses émotions, à coup de
petites gorgées de bière dans son bock après en avoir d’abord pris
une bonne lampée. Ses compagnons le regardèrent. Randlett sembla
vouloir faire remarquer quelque chose à Combs, mais son intervention
fut devancée par celle du propriétaire du pub.
— Vous allez bien, Irving ? demanda
O’Connell.
— Pour dire vrai, je ne me sens pas très
bien, répondit Combs. J’ai des palpitations.
— Voyons, monsieur Combs. Reprenez-vous.
C’est fini, voulut le rassurer Wright.
— Souhaitez-vous rentrer chez vous,
Irving ? Je vais demander à l’une des jumelles de vous reconduire,
ajouta le propriétaire, en faisant un clin d’œil malicieux à Wright.
Mais pour le moment, Irving Combs n’avait
pas du tout la tête aux jumelles Shearing et à leurs attraits. Il ne
se sentait vraiment pas bien. Avant que ses compagnons ne réalisent
le sérieux de la situation, Combs laissa subitement tomber son verre
et porta la main à son cœur. Puis, tout aussi brusquement, il fut
pris de convulsions.
— Bon sang ! Il a une attaque, s’écria
Randlett.
— Connie ! lança O’Connell à sa femme
d’une voix forte. Appelle le docteur.
Pendant que tout le monde tentait de
converger vers la table d’honneur pour mieux voir ce qui se passait,
O’Connell, Randlett et Wright essayèrent tant bien que mal de venir
en aide à Combs. Mais plus mal que bien, pourrait-on conclure,
puisque Combs expira dans leurs bras.
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